Défi n°56 "Roman policier" proposé par Fanfan pour la communauté "Les croqueurs de mots".
- Roman policier-
L'histoire commence ainsi:
"Un soir d'orage où le bruit du tonnerre se mêlait à un plastiquage, près de la maison de Dumè..."
A vous de continuer.
Voici les questions:
1- Pourquoi la porte du frigo est-elle ouverte?
2- Pourquoi y a-t-il une chaussure à l'intérieur?
3- Pourquoi le grand -père est-il couché dans l'entrée?
4- Que fait le parapluie dans le lit conjugal?
5- Où est passée la grand-mère?
6- Pourquoi la bouteille est-elle vide?
7- Où sont passées les casseroles?
8- Qui a dit que c'était impossible?
9- Pourquoi lundi?
10- Que fait le chat chez les voisins?
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Un soir d'orage où le bruit du tonnerre se mêlait à un plastiquage, près de la maison de Dumè, il se mit à grêler dru.
Le commissaire Calistu-Calistu ("Très Beau-Très Beau", traduction métropolitaine gratuite) et son sous-fifre Lisandru ("Alexandre" pour nous autres continentaux), étaient chargés d'élucider une affaire de la plus haute importance. Ils s'étaient vu intimer l'ordre de mettre fin, dans les plus brefs délais, aux agissements du vaurien qui plastiquait, systématiquement les lundis de pleine lune, les vieux cageots et cagettes de Dumè, jetés à la diable dans le terrain vague près de sa maison.
La déflagration faiblarde retentit alors que les deux enquêteurs planquaient accroupis derrière leur Vespa 125 à side-car incorporé.
Le mas ancestral de grand-père Missia, grand-mère Mina et du matou "Chat-vieux" était dans leur collimateur.
Cette maison aux volets ouverts et aux fenêtres éclairées était suspecte. Traditionnellement dans ce village, on vit dans la pénombre des persiennes closes pour éviter mouches et moustiques et pour mieux épier les voisins.
- Maintenant! intima Calistu -bis qui en avait ras le chapeau mou de se faire matraquer par les grêlons teigneux.
Lisandru bondit jusqu'à la bicoque. Se souvenant à temps qu'il n'était que stagiaire, il courut au ralenti-arrière et se mit sur pause devant les vieilles pierres ébréchées des escaliers.
Il convenait de laisser à son supérieur l'immense honneur de s'ecchymoser l'épaule droite en forçant la porte en bon bois d'arbre (dont la grosse clé pendait à la serrure).
- Police! clama le chef en braquant le faisceau de sa lampe-torche dans l'entrée (pourtant généreusement éclairée), personne ne bouge!
Personne ne bougea! D'ailleurs il n'y avait pas foule, seul grand-père Missia ronflait comme un sonneur au milieu du passage. Point de Chat-vieux ni de grand-mère Mina.
- Ah ça c'est du roupillon, siffla Très -Beau admiratif. Bizarre, il lui manque une godasse, remarqua-t-il fine-mouche, en éclairant une chaussette, tricotée-maison, en coton -pieds- sensibles -100 % fil d'Ecosse prune moucheté cerise burlat.
Réalisant que deux flaques d'eau les cernaient peu à peu, il ajouta pensif - Il est pas comme nous, il est bien sec le veinard, il pionçait déjà avant l'orage. " Icelui, fût-il orant avant que d'être gisant? "... poétisa-t-il dans un souffle.
Les sourcils du stagiaire s'arquèrent d'admiration. Une ride horizontalisa son front soudain soucieux: parviendrait-il un jour au niveau de culture de son chef ou était-il plus sage de démissionner illico?
Calistu ignorant dans quelle immense confusion d'esprit il venait de plonger son subalterne, mit le cap sur la cuisine qui jouxtait l'entrée. Il tomba en arrêt devant le Frigidaire ventru resté grand ouvert.
- Eh ben bravo l'économie d'énergie, bougonna ce sauveur de la planète. Quelle gabegie! Du cuir d'avant-guerre, s'indigna-t-il en découvrant la chaussure vagabonde de Missia qui squattait un reste de salade de pâtes au concombre et figatellu, sur la clayette 4° Celsius réservée aux plats préparés.
Accouru, Lisandru n'avait cure du cuir mais bavait d'envie devant ce plat succulent gâché par ce soulier incongru...Pour ne pas être tenté, il fureta dans le cellier tout proche. - Tiens, ça sent l'orange par ici, remarqua-t-il.
- Et ça continue! On range une bouteille vide dans le frigo! S'emporta le gradé, fervent défenseur du tri sélectif. Cette armoire réfrigérée est aussi mystérieuse que le placard de Barbe bleue, qu'en penses-tu fifrelin?
Lisandru révisa vite fait le vocabulaire-maison et s'exclama - Ben, c'est bien sûr chef, y'a du bizarre-bizarre dans cette cantine! Zieutez donc les ronds de traviole sur le mur.
- Traces de casseroles...Cinq. Diamètre douze à vingt. La batterie complète, évaporée...Récita le patron.
Lisandru admiratif, se sentit une fois de plus bien petit; seul un boss est capable, d'un seul coup d'oeil d'estimer un calibre de gamelles, par ailleurs... inexistantes. Le moral bas, il soupira.
- C'est le bouquet! Ricana le fin limier qui venait de pénétrer dans la chambre conjugale, v'là t'y pas qu'un parapluie noir sieste grand ouvert sur le lit, on aura tout vu!
Yeux ronds et bouche bée, le subordonné s'appuya au chambranle, eut un reniflement interrogateur et constata tout haut - La aussi, ça sent l'orange!
Calistu-bis flaira l'air - Non gamin, ça sent la clémentine. Et pas n'importe laquelle, la clémentine CORSE.
- "Constitutiones clementinae", doit son nom à Frère Clément, longues feuilles effilées très parfumées, brillance, petit cul vert, chair sans pépins, juteuse et acidulée", récita rêveur Alexandre redevenu continental. Il connaît bien ces délicieux agrumes, sa maman en raffole. Pour elle, quand il était petit, il chapardait chez le primeur leurs belles feuilles vernissées et les lui offrait en odorant bouquet...
- Mazette, applaudit Calistu-bis éberlué, une vraie encyclopédie, bravo le mouflet!
Mouflet rougit et se sentit presque sous- chef ! Son moral remonta.
- Oui et alors! Chat-vieux et moi on mangerait des clémentines sur la tête d'un pouilleux, c'est-y un crime? grinça la voix fluette de la grand-mère Mina, sorte de petite fourmi noire les bras empêtrés de casseroles, qui venait d'entrer sans bruit par la porte du cellier.
- Qui vous êtes, vous? Qu'est ce que vous fichez chez moi? D'où qu'vous v'nez? Vous voulez quoi? furibarda-t-elle en questions -rafales tout en plaquant ses marmites dans les bras du chef. Icelui se retrouva en situation hiérarchiquement embarrassante.
- Police! Eh! Les questions c'est moi qui les pose, se cabra l'agent en transmettant avec brusquerie son fardeau bassement ménager à un Lisandru... qui, hiérarchiquement, s'y attendait.
- Police, disais-je! Enquêtons sur plastiquage cagettes z'et cageots. Investiguons, rapido:
1- Casseroles disparues, motif ?
Grand-mère Mina: - Orage, voisins fuites plafond, téléphone SOS récipients...Illicite?
2- Porte frigo ouverte, motif ?
3- Bouteille vide frigo, motif ?
Chat-vieux: - Famine! Santa Mina m'offrir clémentine...Extase...Mais famine encore! Youpi fond bouteille lait, frigo. Adorémus-Mina, dans écuelle lait verser. Drrring- téléphone. Bella-Mina lâcher- réflexe bouteille vide frigo. Madonna-Mina laisser "General Motors" porte ouverte. Mina-beatum bondir "ALLO"! ...Illicite?
4- Parapluie dans lit, motif ?
Grand-mère Mina: - Dare-dare! Parapluie à la volée. Si douairière corse sort sans châle noir= deshonneur. Presto! chercher fichu armoire chambre = oublié parapluie sur lit...Illicite?
5- Chaussure dans frigo, motif ?
Grand-père Missia: - Chat très braillard. Mina pas là. Ôter soulier. Viser chat. Raté! = Aterrissage croquenot dans frigo... Illicite ?
6- Grand-père roupille entrée, motif ?
Grand-père Missia: - Bel après-midi "Café des Amis" + petit muscat corse mummm...velours! + belote + re-velours + re-re-velours = besoin dodo... = chambre. Ouh là ! Stooop! Lit + parapluie = diablerie... Donc, roupiller entrée...Illicite ?
7-8- Mina pas là et chat chez voisins, motif ?
Grand-mère Mina: - Faudrait suivre, hein! Mina + casseroles chez voisins. Chatière porte cellier, matou sortir, retrouver Mina = Mina + chat chez voisins...Illicite ?
9-Plastiquage lundi, motif ?
Mina, Missia, Chat-vieux: - ...???
10- Qui a dit "impossible", motif ?
Mina, Missia, Chat-vieux: - ...???
Le trio semblait avoir de solides alibis.
Calistu-Calistu en syndrome avancé de rhume de poitrine et en état d'hypoglycémie ramollissante, décida que vue l'heure tardive il était grand temps de rentrer prélasser ses pieds en charentaises- Jéva.
Lisandru ne se fit pas prier pour lever le camp. Il serait à l'heure chez Gaumont-Pathé où se donnait un super western noir et blanc, muet (quel régal d'arranger soi-même les dialogues!).
Agrippé au siège du side-car que son chef malmenait, l'apprenti-policier, pour oublier qu'il était mort de trouille, cogitait.
Il eut été chef, il eut pu se questionner: d'où Chat-vieux tenait-il le fil bleu (fleurant la clémentine) avec lequel il jouait sous la table, durant la séance d'interrogation? Il lui semblait avoir entr'aperçu ce genre de câble azur dans les débris de cagettes explosées. Mais quand on n'est qu'apprenti, on n'est pas chef! Et quand on n'est pas chef, on évite de se poser des questions.
Il eut été chef, il eut pu se remémorer un brumeux épisode, rapporté par le neveu du cousin de la belle-soeur du frère d'un de ses amis, qui insinuait que Mina aurait transformé en coq au vin le gallinacé de Dumè, qui lui déterrait ses radis. En représailles Dumè lui aurait raflé, un lundi de pleine lune, toutes les feuilles de son clémentinier. La cuisinière de fricot frauduleux s'était retrouvée ainsi dans l'impossibilité de vendre sa récolte sous l'appellation " Clémentines corses AVEC FEUILLES ". Ses feues feuilles étaient pour elle un important manque à gagner.
Mais Lisandru n'était pas chef...Et quand on n'est pas chef, on n'est pas habilité à soupçonner de plastiquage les lundis de pleine lune, qui que ce soit, pas même une petite fourmi en châle noir...
Si l'on n'est pas chef, on ne peut subodorer que cette même petite fourmi, en parfumant la chatière à la clémentine, inciterait son vieux matou à la franchir, déclenchant ainsi la bombinette. Impossible de subodorer, vous dis-je, quand on n'est pas chef...