Ses ongles sont de rubis laqués,
Ses doigts de saphir bagués,
Son cou de deux rangs de perles orné.
Dans sa main fine, un sac immaculé,
En carrousel sur sa gracile épaule, une ombrelle légère.
Sur ses bottines lacées haut, elle déambule, altière...
Se tordant les chevilles...la petite fille.
Dans les années cinquante, ses sept ans elle étrenne.
De l' Elégance elle se prend pour la Reine...
Dans la poussière du pré de la basse-cour, il n' y a pas foule,
Pour admirer sa dégaine... seulement quelques poules..
Son imagination va bon train. Elle ose esquisser des ébauches...
Scalpe un géranium, dix pétales pour ses bouts de doigts vermillonner.
Empomponne ses annulaires du lilas des succises des prés.
Arbore des perles blanches et un sac plastifiés, tout droit sortis des presses à injecter.
Tournicote sur son épaule la paille de riz du parapluie gagné à la kermesse.
Chaparde les bottines maternelles, les noires, celles réservées à la messe,
Y cale le bout de ses orteils avec un vieux journal,
Cinq pointures de trop, ouh ! c'est pas génial...
Superbement harnachée, elle descend l'échelle du poulailler et se baptise Meneuse de défilé.
Toisant les affairées gallinacées, sussurant- Mesdames, laissez passer...
Prévenant les canards de Barbarie- Votre soutane gominée vous sert trop le kiki, vous allez suffoquer, votre face écarlate le laisse redouter.
Se pâmant devant le coq- Diantre Lieutenant, ce képi rouge garance vous a des allures de Vieille France...
Courrouçant les dindons, qu'elle traite de laiderons.
Roucoulant avec les pigeons- Rououou, votre gris tourterelle ferait un chic plastron !
Interrogeant une pintade -Ma chère où trouver de votre robe de tulle, les pois?... Mais ne criaillez point, je ne vous les chiperai pas !
Rêvant devant la blanche poule de Bresse -Demoiselle, vous porterez la robe de mariée du prochain défilé...
Hélant la meneuse de couvée - S'ils cessent de piailler, veuillez me réserver vos six petits pulls mohair jaune poussin pour cet hiver qui vient !
Se pavanant, virevoletant, elle va ainsi,
Semant dans toute la basse- cour sa zizanie.
Se prenant un instant pour la Reine d' un jour...
S'affalant, harassée, à l'ombre du cerisier, contre le flanc du grand chien de berger.
Constatant- Ben mon vieux Mousse, tu sais,
Etre une Elégante, ça fait très mal aux pieds...
A la marelle, je préfère jouer.
Mais avant, tu veux bien partager mon goûter?