Défi n°75 "Couvre-chef" proposé par Lénaïg pour les croqueurs de mots.
A partir de "couvre chef", on écrira ce qu'on voudra!
Une seule condition, glisser "qui m'aime me suive".
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Moustache soignée, costume trois pièces et chapeau melon, assurément symboles extérieurs de respectabilité, monsieur bombe le torse et accorde son pas à celui de madame qui s'appuie à son bras.
Chapeau de velours à aigrette, manteau de vigogne et bottines lacées, madame trottine à petits pas. Madame "a des espérances", madame est dans une situation intéressante.
Oh surprise, quelques mois plus tard des jumeaux leur sont nés et de plus "nés coiffés"! Ces chanceux qui d'instinct ont su protéger leur chef, ne pouvaient porter pour prénoms que ceux de couvre-chefs. Capellus et Capelina on les baptisa.
Ce qui les contraignit en contrepartie, à se protéger l'occiput tout au long de leur vie.
Un béguin tricoté débuta la série. L'un bleu-bébé, l'autre bébé-rosé, pour les bien différencier.
Cagoule et passe-montagne leur furent infligés pour leur hivernale première année. Affutiaux indispensables pour prouver qu'à un an, de franchir les montagnes on est enfin capable.
Puis vint le temps des chamailleries où "Renard roux rusé" emplumé d'une coiffe de Sioux scalpa, de son besson en hennin la poupée préférée. Cette mère outragée, s'empressa d'ameuter à cor et à cris sa parenté, dévoilant pour se venger que Capellus passait son temps d'écolier en versus, nez au mur d'un bonnet d'âne coiffé.
Un autre jour, apeurée, Capelina une mantille en bouclier, résista à son alter ego encanaillé sous le foulard d'un pirate, qui tentait de lui faire gober des billes d'agate.
Plus tard, attifé en toréador à montéra, Capellus tenta de transpercer de son épée de bois le bois de leur petit cheval qui resta stoïquement de bois mais causa chez sa soeur un très très grand émoi.
Faire la dînette les réconcilia. Des toques trop grandes seuls leurs yeux dépassaient, à peine de quoi vérifier que l'autre, le filou, n'essayait pas de vous faire prendre des crottes de bique pour d'innocents cachous.
Les pâtés de sable en bord de mer les réunifia en bobs flasques et flashy, repérables de loin par les géniteurs, ou en chapeau de paille à l'élastique jamais de bonne taille, mollasson ou semi-étrangleur.
Le temps des gamineries fini, ils s'essayèrent à diverses montures.
Le cheval les intéressa un temps; leurs bombes équestres malgré leurs attaches trois points réglementaires, les virent demeurer bien piètres cavaliers.
Ils se lassèrent de l'odeur du crottin et se motorisèrent, trouvant surtout en leurs casques intégraux l'objet de concours de moustiques écrasés, les plus gros...
Il n'est qu'au toilettage qu'ils n'étaient pas concordants, elle encharlottait son brushing, alors que lui intégralement s'irriguait.
Ils traversèrent l'épisode obligé mais ô combien inconfortable du métaphysique - Qui suis-je? Où vais-je? (qui souvent précède celui plus prosaïque, du - Bon sang, où sont passées mes clés?)
Il tergiversa un moment entre le galure de doulos, le gibus ou la barrette écclésiastique (qu'en ambitieux il envisageait comme tremplin vers la mître d'évêque et sans aucun doute jusqu'à la tiare papale suprême). Il balançait en balançant des cailloux dans la mare, en ricochets ratés...
Quant à elle, longuement elle hésita - La cornette de nonne me rendrait bien mignonne mais quelle besogne quand on la lave puis l'amidonne...le bibi à voilette coquine perché sur le feu d'une perruque léonine me ferait-il ou non économiser la brillantine?...
Finalement, l'une inclina sur son oreille gauche le bleu marine du béret d'un pensionnat de jeunes filles de bonnes familles. L'autre tâta pour un temps de la marine. Il n'autorisait l'approche de son bachi à houpette rouge - porte-bonheur à une nuées de gloussantes donzelles, qu'après avoir prévenu - qui m'aime me suive!
Il y eut l'époque sans le sou des faluches estudiantines à fanfreluches et des bicornes; puis la saison des champs de courses où sous canotiers et capelines, on perd ses sous. Et enfin l'étape des panamas ruineux et capuchons d'organza vaporeux en appeaux de partis fortunés.
Ils voyagèrent. Cette mode était dans l'air. Collectionnèrent des fez, des fichus, des képis et aussi des sombreros, des borsalinos, des chèches et même des chapskas qui moisirent dans un grenier sous les toits...
Et un jour...
Sous un voile blanc elle dit oui à un monsieur gai comme un bonnet de nuit.
Lui, donna son assentiment à une femme en turban blanc; ils ont eu dix enfants.
Elle, à présent c'en est fait, de veuve a coiffé l'attifet.
Lui, lassé des couvre-chefs, d'une calvitie cabocharde doit supporter les effets...en hiver son crâne est glacé et en été, pelé...
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Ainsi passa la vie de ces deux "nés coiffés". Qu'en aurait-il été s'ils ne l'eussent été?...