Défi n°98 " Le langage des fleurs", proposé par Quichottine pour les "Croqueurs de mots".
"Le langage des fleurs".
On dit que les fleurs ont un langage, mais qu'en font-elles quand elles sont au jardin?Imaginez un dialogue en tenant compte de ce qu'elles sont censées exprimer dans un bouquet.
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- Flous, flous et reflous! tous mes clichés sont flous.
Sous le rideau noir on se lamente.
Le rideau noir de la chambre photographique.
La chambre photographique plantée dans le fouillis du jardin.
Du jardin à l'anglaise de Levôtre.
- Les jardins tirés au cordeau de Lenôtre m'auraient donné moins de fil à retordre, regrette encore la voix.
- Bah... mes fleurs sont des sauvageonnes. Elles ne tiennent pas en place, reconnaît placidement Levôtre.
Pourtant un souci point sous cette bonhomie.
Levôtre ne peut point décevoir son ami Nicephore-Nadar.
Face au célèbre trépied du grand photographe en vogue, même les jardins ébouriffés se doivent de prendre docilement la pose.
Il y aura fort affaire. Ici, tout vibre, tout frissonne et délivre des messages de vie.
Ici, ça froufroute. Les tendres glycines enlacent les trompeuses clématites, les liserons importuns s'imposent aux rosiers grimpants, éternellement amoureux en les entrelaçant.
Là, ça crépite. Les capucines réveillent de leurs ardentes flammes la virginité des lys majestueux.
Par là, ça clapote. Les belles de jour si coquettes, se mirent dans le bassin où d'égoïstes narcisses sont à demi ployés.
Plus loin, ça susurre. Les discrètes belles de nuit murmurent des bluettes aux délicats bleuets sans jamais parvenir à les faire rougir.
Par ici, ça chaperonne. Les marguerites au coeur simple et fidèle, offrent aux modestes violettes le rempart de leurs tiges, où elles aspirent à rester humblement cachées.
Dans un recoin ça implore. Les frêles myosotis supplient anxieux: ne nous oubliez pas!
En lisière de gazon, ça s'épaule. Les coquelicots aux sentiments fragiles recherchent le soutien des freezias, garants d'un amour résistant.
Dans le fouillis du coin à hérissons ça embaume. Les tendres et loyales lavandes mêlent leurs fragrances à l'ardeur poivrée des oeillets.
Sur le vieux mur de pierres, ça sauve sa peau. Les lierres attachants fuient la cruauté des urticantes orties.
A droite et à gauche, ça joue les conciliateurs. Le chèvrefeuille tricote des liens d'amour et d'amitié entre les froids et insouciants hortensias, les insensibles houx et les orgueilleux tournesols.
Par ses trémulations, la délicate petite gent ailée contribue à cette ambiance animée.
Les libellules jolies demoiselles, charment de leurs circonvolutions les géraniums aux sentiments contrariés.
Les papillons citron, virevoltent autour de mélancoliques jonquilles en quête d'affection.
Les rondelettes coccinelles titillent les amicales clochettes des campanules bleues et du muguet porte- bonheur. Bientôt elles sonneront l'heure du premier rendez-vous des glaïeuls!
Levôtre, assis dans les bruyères, gardiennes des rêveries solitaires, sourit béatement. Son jardin est heureux, au diable les floutages!
Nicéphor-Nadar, aussi nébuleux que ses images, s'est endormi dans les bégonias, fleurs de la cordialité, signifiant ainsi à son ami "l'amitié que je vous porte est sincère".
Il rêve qu'il est au Jardin des délices et en ronflote d'aise.
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Le langage fleuri vu par François.
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