Défi n°93 "Les âges de la vie" proposé par Jeanne Fadosi pour les Croqueurs de mots.
" Après de nombreuses années sans s'être rencontrées, deux personnes se retrouvent. La plus jeune a maintenant l'âge que la plus âgée avait à l'époque où elles se connaissaient."
Imaginez ce qu'elles se disent à haute voix et leurs réflexions (qu'elles n'expriment pas).
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Il plaça avec précaution ses pieds entre les deux cailloux blancs, agrippa son bâton de pèlerin comme il se serait affalé dans un fauteuil et fit face au lointain. Mission réussie, murmura le vieux Sage.
Comme s'il avait attendu cet instant avec impatience, un sautillant lutin guilleret, vif et léger, venu de nulle part, lui fit face.
- Salut l'An -cien! J'avais hâte que tu arrives.
- Deux, zéro, treize! je t'attendais gamin.
- Tu as l'air las, deux, zéro, douze. Tu viens de loin?
- Du cycle trois cent soixante cinq.
- Euh! mais...c'est plus de ton âge de faire du vélo...
- (soupir) Je suis plus véloce que tu ne le penses. Trois cent soixante cinq, sont les jours que j'ai parcourus pour achever le cycle solaire. Je viens peut- être de loin, mais je suis parti d'ici aussi pétillant que tu l'es, sans être las !
- Wow ! eh ben dis donc, tout ça sans vélo, tu m'épates quand même. Bon moi, de toute façon le cycle scolaire ça m'intéresse pas trop, ce que je veux c'est parcourir le Monde !
- Oh mais tu vas le parcourir le Monde crois- moi ! C'est justement pour ça que je t'attendais. Gamin! je suis ton passeur de relais.
- Pff! Pas besoin de cette grande canne, vois comme je suis souple et costaud lance le jeunot qui bombe le torse et se transforme en petit pois sauteur.
Le vieux Sage le laisse patiemment perdre le souffle dans son numéro d'étourneau effréné. Il songe qu'il y a quelques huit mille sept cents heures, cette même impétuosité l'habitait.
- Oh là gamin! N'escompte pas rafler mon compagnon de route. Ce bâton est mon carnet de bord. C'est lui qui va m'aider à rendre des comptes à la Grande Confrérie des années qui passent.
- Ne me dites pas que ce banal bout de bois écrira l'Histoire! raille le damoiseau.
- Ah, jeunesse! si tu l'avais mieux observé tu aurais vu qu'il est fait de strates de bois qui varient selon les événements rencontrés. Approche. Considère-le de plus près. Il débute en peuplier léger mais vire vite à la dureté du chêne; à peine est-il revenu à la flexibilité du hêtre, qu'il passe au pin noueux, pour terminer robuste séquoia et enfin sapin de fin d'année.
- ...Une vraie carte d'identité de l'année qui s'écoule...Et ces petits tronçons par ci par là?
Tiens, tiens, galopin! on interroge, on s'intéresse enfin, note in petto l'An-cien.
- ...Des traces d'instants de grâce, en acajou raffiné, en cèdre parfumé, en bouleau -clin d'oeil à la régression du chômage, en merisier pour les moments intimes qui empourprent les fossettes...
- ...Tout un résumé des douze mois écoulés...rêvasse vingt treize soudain pondéré.
- Tu verras gamin le temps passe vite. Toi, tu ne feras que proposer et l'Humanité disposera...En janvier...
- La galette! La galette avec la fève! le coupe fébrilement l'espiègle.
- En février, les crêpes! et les oeufs en mars, sourit le vieillard, moi aussi j'étais un loupiot gourmand!
- Ah! ça s'annonce bien! J'ai hâte, j'ai vraiment hâte de te relayer, piaffe le disciple qui ajoute vaguement inquiet, dans un peu plus de trois cents jours, est-ce que je vais te ressembler? Ta barbe et tes cheveux...ça craint un peu, mais ton manteau, y déchire grave! il est trop d' la balle, euh...il est vraiment somptueux, veux-je dire! Est-ce qu'un jour j'aurai le même?
- Et comment! s'amuse le Sage, c'est ma houppelande des saisons. Chacune d'elles y a laissé sa trace coloriée et ses parfums.
- Tchiao! File te reposer, heureux de t'avoir rencontré, je cours vers l'avenir!
Ah, l'avenir...un avenir est toujours incertain... temporise tout bas l'An-cien.
- Belle et bonne route fiston et bon vent deux mille treize!
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Note de la traductrice:
Les décors sont de Roger Harth François.
Les costumes sont de Donald Cardwell François.
Sur une idée de François!
superbement mis en scène par Marie ( note du décorateur.)