ABC, du JARDIN DES MOTS lance un S. O.S JARDINIER.
Cher Amiral, vos croqueurs sont des « motivores », en passant par mon jardin, ils ont dévoré tous mes mots. Sans mot, mon jardin de mots n’a plus de sens, il est anéanti. Demandez-leur, je vous en conjure, de m’envoyer chacun sa meilleure recette, pour que les mots de mon jardin puissent refleurir dès le début du printemps.
Consigne : Écrire une recette simple et efficace pour réparer les dégâts provoqués par tous les « motivores ».
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RECETTE.
" REDONNER VIE AU JARDIN DES MOTS DE ABC."
La veille.
Façonner une large abaisse sablée, rappropriée et aplanie.
La quadriller. Sans lésiner, y répartir des brassées de mots. Euh, non, des brassées de noms, nom de nom !
Sur les pourtours, regrouper les discrets, les timides, les peureux. Bien les lier les uns aux autres.
Au centre, les exubérants, les biscornus, les fougueux et les baroques. Ils s'assaisonneront les uns les autres.
Plongez à pleines mains dans les adjectifs.
Les trier soigneusement :
À gauche les positifs. Ploc, délicatement les badigeonner de jaune soleil.
À droite, les négatifs. Plic, les teinter d'un zeste de jaune citron.
Remarque : ils vont tous se retrouver jaune vif, alors pourquoi les avoir triés ?
Réponse : pour tester votre jugeote.
Entre les deux, réduire les neutres en les blanchissant quelques minutes.
Réservez le tout dans la réserve.
Amasser des verbes, en bottes généreuses.
Tels l'or et le vif argent, en athanor les amalgamer.
Remarque : si votre athanor a disjoncté, utiliser un four micro-ondes éteint, c'est kif kif.
Dès le début d'une effervescence - à faire frémir les mots de Noël en papillotes - répartir le tout, partout.
Être impératif avec les conditionnels.
Mêler passé et futur et tout sera plus que parfait.
Laissez reposer une nuit.
Le lendemain.
Délicatement faire revenir les fugueurs et les marginaux.
Les singer sans les imiter.
Réaliser un houblon roux blond. Pour les adoucir, y plonger les vocables de couleur corbeau.
Aromatiser d'un bouquet garni de pronoms.
Faire une chiffonnade de déterminants. Inviter un petit ami Au petit tamis, passer les motos pompes les mots pompeux, histoire de les clarifier.
Saupoudrer d'interjections épicées.
Laisser infuser des milliers de signes de ponctuation, puis les jeter à la volée à travers une passoire.
Remarque : ne pas jeter la passoire, l'agiter de temps en temps pour passer le temps.
Mouiller le tout, sans détremper.
Laisser pousser au soleil.
Fier de ce qui vous a fait suer, admirer.
Dresser.
Inviter ABC.
Savourer !
- Bon, les copains, on va faire la chorale grammaticale, ceux qui ont les noms vous ne dites que des noms, les verbes que des verbes !
- Et c'est quoi un âge dectif ?
- Un ad-jec-tif ! Ben c'est ... heu ... C'est pour dire comment on est, quoi.
- Ah et toi tu fais quoi Marie ?
- Moi je suis la Sainte Axe, je commande la phrase !
À partir d'une photo, d'un objet, d'une odeur, d'un lieu, Fanfan nous demande de raconter en quelques lignes un souvenir bon, gai ou triste ou une anecdote de notre enfance que cela a réveillé en nous.
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À la campagne dans les années cinquante, bêtes et gens cohabitaient de bonne grâce; les enfants de cette époque en conservent quelques souvenirs attendris.
En douce ils se régalaient de généreuses poignées de cacahuètes, piquées dans le sac de tourteaux d'arachides réservés aux vaches. Leur huit ans ignoraient l'existence de l'escherichia coli et autres sournoiseries bactériennes.
Même s'ils ratissaient à pleines mains les gamelles de pâtée des poules, jamais aucun gallinacé n'est allé cafeter. Braves bêtes !
En toute impunité - de la part des cochons - ils allégeaient de quelques patates la chaudière quotidienne de ces gros lards. La poignée du couvercle qui rôtit les mains, la vapeur qui aveugle et les Bintje qui brûlent lèvres et doigts, étaient le prix à payer pour un tel délice ! Les parents s'apercevaient à peine que l'appétit de leur progéniture était moins vif ; tant que leur dynamisme restait intact et que leurs joues étaient abonnées au rose pastel, ils n'allaient pas s'alarmer pour si peu.
Laisser le vieux chien de berger léchouiller leur tartine de saindoux, c'était pour eux avoir bon cœur. Lorsqu'ils chapardaient un, puis deux, puis (souvent) trois morceaux de sucre qu'ils imbibaient d'alcool de menthe - digestive et vermifuge - le bon chien veillait sur leur longue sieste sous le tilleul. Chacun rend le service qu'il peut !
Ces innocentes frasques gourmandes ne mettaient pas le feu aux réseaux sociaux et n'exigeaient pas qu'une équipe sanitaire soit urgemment diligentée. Autre époque autres mœurs...