A ma droite, des enfants.
A ma gauche, des joueurs de quilles.
Les premiers font du cheval à bascule, poursuivent un ballon, m'enroulent dans les cercles de leurs tricycles.
Je reste de marbre.
Les seconds se chicanent pour des "venues" 1, des "rabats" 2, lancent des "vaut deux", "vaut trois" 3. Avec des précisions d'apothicaire, ils replacent les quilles sur "la cadette" 4. Un instant plus tard, la grosse boule de hêtre fait exploser ce bel alignement en une résonance de sabots entrechoqués.
Je reste de marbre.
Pourtant de marbre ne suis point, mais de bronze.
Il y a 120 ans, une sculpteuse m'a donné vie. Elle m'a assis sur un banc, placé un livre ouvert entre les mains (épanouissement par l'étude) et m'a décrété vigneron en posant à mes pieds un "bigot" 5 et un cep de vigne.
Au centre d'un petit square, on m'a perché sur un socle d'où j'observe la vie.
Pour un regard non averti, je suis un paisible travailleur de la terre qui s'accorde un peu de répit.
Pourtant, je ne suis pas aussi quiet qu'il y paraît. Je surveille l'entrée. C'est par-là qu'ils sont arrivés...un 17 mars.
à suivre...
1- La venue : lancer de boule sur les quilles.
2- Le rabat : relever les quilles, rejouer depuis l'endroit où s'est arrêté la boule.
3- Vaut deux, vaut trois : compter les quilles de rabat et de venue.
4- Cadette : carré en pierre (ou en ciment) où sont légèrement creusés les emplacement pour chacune des quilles.
5-"bigot" : Instrument (houe) à deux dents servant à travailler la vigne.