Les mots du patois
Traduction de Vouailla
La veillée.
Des senteurs de tabac-pain d'épices. Le grand-père fume la pipe en
commentant pour l'assemblée les nouvelles du journal régional (on se connaît
tous dans le secteur)
De longs tentacules d'osier fouettent l'air. Le père de famille a taillé les
saules l'hiver dernier, cet été il a fait tremper les branches pendant plusieurs
semaines pour les assouplir puis les a mises à sécher au soleil. Il les tresse en
mannes pour le ramassage des pommes de terre, le transport des morceaux
de bois, du hangar où il a été empilé jusqu'à la maison. Pas d'outils
compliqués, son couteau, un poinçon et ...ses mains.
Le cliquetis vif de quatre aiguilles à tricoter. La grand mère, Mongris -
chat tigré sur ses genoux, commence une paire de chaussons" à gorge" qui
épouseront la forme des sabots et les réchaufferont.
La lampe "monte et baisse "a été descendue bas. Plus de lumière pour la
mère de famille qui a glissé un œuf en porcelaine dans la chaussette à
raccommoder. Finette la petite chienne de berger somnole à ses pieds, elle fait
provision de chaleur avant de terminer la nuit dans le foin de la grange.
Un ancien journal protège la toile cirée de la grande table. La gouache
pourrait déborder des albums à colorier (cadeaux de Noël) malgré les efforts
des enfants qui s'appliquent. Ils sont en pyjamas en pilou douillet et ont droit
à une tranche de veillée (on est mercredi, il n'y a pas école demain) !
La bouilloire zonzonne sur la cuisinière qui envoie par intervalles à
travers sa grille, de pétillantes gerbes d'étincelles.
Presque vingt heures, vite,
régler l'antenne de la TSF pour
découvrir sur Radio Luxembourg
les péripéties quotidiennes de "la
famille Duraton" ! Puis Sottens, la
Radio-suisse proposera une pièce
de théâtre. On la suivra en
croquant de petites pommes
rouges allongées les "museaux de
chiens."
L'eau zonzonnante est dans
les bols en infusion de tilleul
miellé. Les enfants vont dormir,
ils laissent les grands suivre le
cours de l'intrigue théâtrale.
C'est une soirée hivernale à la campagne, dans les années cinquante
(Après JC !...)
Traduction du Bariau du cotchi"C'est la barrière du jardin où on trouvait tout pour nourrir la famille. C'était du bio, vous pouvez me croire!
Les poules aimaient bien venir tout y réduire à néant. Elles arrivaient à pénétrer malgré le double grillage, c'était des rusées!
Il fallait doubler de tôle les portes des soues pour qu'elles résistent aux assauts des cochons. De vrais sangliers quand ils voulaient être libèrés."
Traduction de La maison de lune
Savez vous ce qu'est une "Maison de Lune"?
Autrefois,celui qui n'avait pas de toit pour abriter sa famille,pouvait construire,en une nuit,une modeste maison sur un terrain non cultivé.Il ne fallait pas perdre de temps en brouettant les briques et les tuiles.Au lever du soleil,si de la fumée s'échappait de la cheminée, la maison de lune appartenait à celui qui l'avait construite;il pouvait y loger sa famille,sans se soucier de plan d'urbanisme...
Traduction des gaudes
LES GAUDES.
A peine a-t-elle entendu cocoricoter le coq du Justin, que l'Eugénie est tombée du lit. Hier soir, comme disaient les anciens, il y avait des signes qui ne trompent pas : "Nuages pommelés, femme fardée sont de courte durée.", la pluie allait bientôt arriver.
L'Eugénie veut gauler ses noix avant l'averse et, c'est le moment (14 septembre)"A la Ste Croix, tu dois cueillir tes pommes et gauler tes noix." Elle a aussi le souci de son repas de midi, elle met mijoter ses gaudes sur la cuisinière et va chercher une grande perche sous son hangar pour secouer le noyer.
Comme elle n'est pas paresseuse, une heure plus tard, elle a une bonne récolte: une grande corbeille de noix!
L'Eugénie en a le tournis, elle est harassée! Elle a bien gagné le droit de s'asseoir sur le banc à l'abri de sa treille de Noa, près du petit chemin. C'est par là qu'elle voit courir, tout excitée, la Veuve Fouinotte qui crie:
-L'Eugénie, l'Eugénie, vous voyez pas la fumée qui sort de votre porte, vos gaudes brûlent !
L'Eugénie, pourtant assourdie-par celle qui se mêle de ce qui ne la regarde pas et qu'elle veut faire taire-n'a pas remué un orteil et, en se redressant, s'est rebiffée:
-La Fouinotte, c'est comme ça que je les aime !
Traduction de la Vacherie
La vacherie est un troupeau d'une centaine de têtes de bétail que Le Bouvier, vacher, berger des Communaux, et Mousse son indispensable bon chien, vont faire paître à l'automne dans les prés de la commune.
Les vaches lui sont confiées pour la journée par ceux qui n'ont pas de pré autour de leur maison ou qui n'ont pas le loisir d'aller surveiller leurs bêtes en patûre.
Le Léon de la Maison des Colombages avait entendu la corne du berger, il savait que Le Bouvier devait être en ce moment vers l'église, qu'il serait bientôt ici et qu'il n'aimait pas être retardé quand il arrivait avec son troupeau.
" Viens vite p'tiot volo (domestique), détache celles de droite: la Bariolée, la Tachetée, la Noire, la Bilette, moi je vais libèrer de leurs entraves la Rousse, la Rouge, la Brunette, la Cornue, la Lu la Lulu la Lunette" Le Léon en bégayait ! Il piétinait dans le fumier, il se prenait les pieds dans un tabouret de traite, il a bien cru qu'il allait tomber dans la bouse! Il poussa un soupir d'aise :
"C'est fait, c'était juste à temps! Voilà Le Bouvier qui arrive avec au moins soixante dix vaches, il y en a beaucoup!" se dit-il.
- Salut-fraternité Le Bouvier! Comment ça va? Ca carillonne fort aujourd'hui!
- Salutaré Léon, je vais bien faire avec, je vais les emmener racler les éteules, ça fera toujours du
profit!
Léon campé en bas de sa cour, regardait partir le troupeau long comme un jour sans pain, qui se dandinait en sonnant des clarines.
"Le Bouvier a bien à faire avec ces génisses, vaches, petits veaux et jeunes taureaux,énuméra t-il tout pensif, pourtant, il n'est pas costaud et puis ,il tousse, il fume trop, il
a toujours sa pipe à la bouche!
On le reconnaît de loin avec son chapeau, sa cape, sa musette, sa corne qui pend à son cou et son grand bâton, il fait de grands pas dans ses sabots garnis de paille .Il est toujours avec son
bon Mousse, qui fait bien son travail de chien de berger, il ne jappe pas sans cesse, il écoute le Bouvier: waï, waï, waï, Mousse file à droite, brr, brr, brr, Mousse ramène les génisses qui
courent en levant leurs derrières, il comprend tout ça le bon Mousse. Il sait aussi que vers la fin de l'après-midi, oille, oille, oille est le signal du rassemblement, qu'il va courir à
droite, courir à gauche, sans japper inutilement, pour ramener le troupeau vers le berger qui va le diriger vers le village. Les clarines résonnent, ça sent bon le lait, les
vaches reviennent chacune chez elles (elles savent quelle cour est la leur). Le berger et son chien repartent "tous seuls les deux!"
Un jour,le troupeau est revenu tout seul avec le bon chien Mousse...
Léon se souvient: "Cet après-midi là, au moment des oille,oille,oille, le berger qui s'était allongé, à l'abri d'un buisson, n'a pas bougé...Le bon Mousse a bien essayé de le faire lever en lui tournant autour, en le reniflant tout en gémissant un peu, rien n'y faisait, le vacher ne bougeait pas...Mousse sentait bien qu'il y avait de la diablerie là-dessous, la grande Roussette s'était mise à mugir en piétinant, le reste du troupeau humait l'air de façon insolite, les pis étaient pleins, ils tiraillaient, les clarines faisaient du tintamarre...Le brave Mousse commençait à tourner autour du troupeau qui ne savait pas bien où il en était. Au bout d'un moment, la grande Roussette s'est mise à démarrer en tête et le reste s'est mis en route pour le retour au village, ce jour là, les génisses ont oublié de courir comme des affolées la queue en l'air, tout le troupeau filait droit.
"Ce lundi là, je fauchais les épines dans le pré autour de ma maison, j'ai regardé arriver les vaches mais je n'ai pas entendu la corne du berger...Je me suis dit c'est bizarre, oui bien bizarre, qu'est ce qu'il se passe? Je ne vois pas le Bouvier, il n'y a que son chien, bizarre...J'ai couru chercher mon cheval et mon char pour aller voir où était le berger. Il était sous son buisson, de loin j'ai appelé très fort: HE LE BERGER,HE LE BOUVIER! Il ne bougeait pas, j'ai eu peur...J'ai couru vers ces sabots, vers ce chapeau qui ne bougeaient pas, et là...je me suis mis à rire de soulagement, la cape RONFLAIT! C'est alors que je me suis souvenu: hier soir, c'était le bal du mariage de Marius et sa Zélie, le Bouvier était de la fête (Zélie est sa belle-soeur!) il avait dû boire plus que de raison, n'avait pas dormi beaucoup, il cuvait son vin en faisant la sieste! Je l'ai glissé comme j'ai pu sur le char, à ce moment là , qui vois-je arriver? le bon chien Mousse qui avait ramené le troupeau et revenait vers son maître...Je lui ai gratouillé la tête pour le rassurer: tout va bien, bon chien, le Bouvier dormait!"
Le berger fait la sourde oreille quand quelqu'un ironise un peu en racontant cette..."
- LE LONLON! Qu'est ce que tu fais? Depuis une heure tu es campé là -bas, tu divagues, les veaux attendent que tu les fasses boire, bouge toi !"
La femme de Léon venait de le rappeler à l'ordre en le ramenant sur terre, celui-ci remonta la cour en soupirant : "être berger, seul avec un bon chien, ça ne doit pas être si mal..."
Traduction pour "les gens"
François a bien imité ceux qui viendront peut-être un jour faire un tour dans le patois de Marie;vous allez bien les reconnaître,avec leurs surnoms : Le Roux, L'Oeuf, Le Roublard, L'Herboriste, Le Nigaud, Le Ver Luisant, La Couturière, Le Goitreux.