Verres collectifs
- Prât-me don tê u-yes, j'arrive point à n'enfiler m'n'aigu-ye Singer.
( - Prête-moi donc tes yeux, j'arrive pas à enfiler l'aiguille de ma machine à coudre.)
L'Abel qui lisait le journal, s'interrompt un instant et cède ses verres à l'Anaïs qui a son ourlet d'biaude à terminer.
- Ê z'écrivant bin p'tchiot su c'tè livrets d'comptes de futrie, j'y vouais ren de ren. L'Abel, t'èros-t'y tè carreaux pou ique, dè coups?
(- Ils écrivent bien petit sur ces livrets de comptes de fromagerie. J'y vois rien de rien. L'Abel est-ce que t'aurais tes lunettes par ici?)
Et voilà un voisin sorti d'embarras!
- L'Abel, j'a ubié mê lorgnons chu mouais, t'me prêtros t'y lê taines, j't'les rèpout'chrer à la fin d'ma virie.
- Qu'm'en çan t'restra miji la soupe d'aveu nôs, l'potchou d'laitres, qu'dit l'Anaïs.
(- L'Abel, j'ai oublié mes lunettes chez moi, prête-moi donc les tiennes. Je te les rendrai à la fin de ma tournée.)
(- Comme ça tu resteras manger la soupe avec nous le facteur, propose l'Anaïs.)
Au début des années cinquante, nos verres s'ajustaient tout simplement d'un nez à l'autre par... solidarité campagnarde!