Défi n°58 "Alors ce week end à Paris..." proposé par M'Annette pour la communauté "Les croqueurs de mots."
Assise sur le pas de la porte, Françoise questionne Marie - Alors ce week end à Paris, ça s'est bien passé?
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- T v'là donc rev'nue ma bonne Marie-Katel, comment c'était ton véquande parisien?
- Un raz de marée ma brave Françoise-Elwyna! J'croyais qu'j'avais changé d'planète. Y'a un monde fou qui court et grouille de partout. Chez nous, même à la grand'foirede Rennes, on prend l'temps de s'saluer, de se r'filer des combines pour stopper la piéride du chou-fleur, de comparer le cours de la sardine et celui de l'autruche. Dans cette métropole, on s'croise en prenant bien garde de n'point se r'garder, on fend la foule, nez au vent, l'air antipathique, genre "défense d'approcher". Y semblent tous affairés et très préoccupés. Des fois même y causent tous seuls en faisant des gestes, ça fait un peu peur...Comme y font pas attention à toi,tu t'prends les portes battantes dans le nez. On te bouscule si tu marches au rythme du ressac tranquille. Eux, tu croirais qu'y sont en perpétuelle tempête, en gros temps, c'est exténuant.
- Bin dis donc, c'est du sauvagisme...
- T'entends plus un son breton, y causent un Français bizarre -"Bonjour-an", oui-an ! Et pis, rien n'est "gratuit-an", faut avoir le porte-monnaie toujours bec ouvert, tu paies même pour faire du vélo! J'aurais bin dû amener l'mien, ça m'aurait évité de chercher un taxi à toit ouvrant pour y loger ma coiffe de gala. Dans le train des taupes, le métro qu'y disent, un sauvage s'est agrippé aux dentelles de ma tubulure, croyant s'accrocher à une barre verticale.
- Aucun savoir-vivre... Et comment "ça" se nourrit c't'engeance?
- Pas question de t'régaler de galette saucisse, pas assez light qu'y disent, ni d'andouille, ça pue, qu'y disent! Y vont au fast-food manger avec les doigts un hachis à la sauce rose coincé entre deux éponges...Tu rêves d'une bolée de cidre ou d'un bon lait ribot, on t'apporte un coca en boîte de conserve! Un indigène du coin en voyant mon beau tablier brodé m'a confondue avec une serveuse, t'imagines!
- Sacrilège! ...T'avais emporté des niniches?
- Encore heureux, plein mon cabas! Risquait pas que je les oublie! Mon péché mignon est d'en tremper une ou deux au beurre salé dans mon bol de café. Là-bas c'est le chimgomme qui remplace la niniche, va donc tremper cet élastique dans l'café... J'avais prévu un beau Kouign-amann maison en provision de route, ben, y n'aime pas sortir de sa province, y s'est r'trouvé tout brisuré...
- Tu connais la devise "L'biscuit breton, même en miettes, c'est bin l'plus bon"!
- C'est bin vrai Françoise-Elwyna. Là bas le café est si amer que j'l'ai sucré avec tous les débris de mon gâteau au beurre frais de baratte. Pour compenser, j'ai fait une razzia sur leurs sucres enveloppés. Y n'ont pas supporté l'heure de pointe dans le métropolitain et ont explosé au fond de mon sac. Depuis, j'ai un cabas englué qui crisse de partout.
- Notre fleur de sel, elle crisse aussi, mais elle est bien de chez nous, elle...Et des dolmens? J'parierais qu'y a même pas d' dolmens par chez eux?
- Si fait, si fait! Y'en a un, bien haut et ils en sont fiers. Il est en roc métallique boulonné. Ils appellent ça une Tour... Eiffel je crois. Elle doit servir de phare, elle dégouline de clignotants à t'en donner le tournis.
- Mais, y'a pas la mer là-bas!
- Bernique! Y a qu'une grosse, mais vraiment grosse rivière bien sale, avec des mouches dans des bateaux, là, j'ai pas tout compris...
- Bien fait! Nous on a la mer de tous les côtés... Et pis, vont-y à la messe?
- P't'être bin, quand y z'ont mis dehors les troupeaux en bermuda, en clic-clac kodak, y peuvent p't'ètre causer en paix à Ceux d'en Haut. Y a plus de cent églises dans ce patelin, t'as l'choix pour les horaires! Y en a une, haut perchée qui ressemble à la pièce montée du mariage de la Solenn et de l'Erwann et pis une autre, graaande, avec une rosace tellement belle que c'était comme si j'avais vu une apparition...
- Y doivent être bin r'ligieux dans l'secteur...
- Sûrement, hein...
- Font-y des Pardons, avec des binious?
- Ouais, j'crois bin. Pour le premier mai. Les commis de l'Etat de tous poils, les non commis et même les retraités sont très pieux et font souvent des Pardons. Mais comme y'a pas d'binious, y z'appellent ça manif... Y s'attroupent, s'agitent, klaxonnent, trompettent et beuglent dans des gros entonnoirs en agitant des draps peinturlurés. Et ça revient souvent! Y doivent avoir pas mal à se faire pardonner.
- Bizarre quand même...Et pis, y'a -t-y des crêpes?
- Sûrement puisqu' y'a même un moulin de la Galette, y z'essaient d' nous faire concurrence. Y'a aussi un autre moulin, il est rouge, çui-là. J'l'ai pas visité, j'avais mal aux pieds, j'ai dormi pendant que l'Albin allait l'explorer avec le Grégor et le Jakez. Y sont rentés à l'aube, comme pour le dernier fest-noz...
- Les moulins doivent fermer tard par là-bas...C'est bizarre cette vie là. On est mieux chez nous, tu crois pas Marie-Katel?
- Voui Françoise -Elwyna...
- Y t'resterait pas une niniche au fond de ton baluchon?
- Si, une rescapée que j'ai trimballée dans la capitale.
- ...
- T'aime pas?
- Elle sent la Grand'ville...et pis elle poisse de sucre écrasé.
- Viens on va s'en chercher qu'éques-unes toutes fraîches chez l'Héliaz.
- Hummmoui, Marie-Katel! Des qui sentent bon la sardine à la fleur de sel pour tremper dans l'chocolat chaud au chouchen!
- T'as raison Françoise-Elwyna, y connaissent pas c'qu'est bon dans leur Pandémonium...
- Curieux que tu me parles de pandémonium, vaste sujet! Alors qu'Alban s'encanaillait, j'ai été conviée à une nocturne privée au Louvre pour considérer un détail du célèbre tableau "Le Pandémonium". Je l'ai choisi pour illustrer ma thèse " Le sublime exaspéré des Mondes perdus"...J'ai pris du retard, ma soutenance est dans un mois à Londres.
- Ce sera vite venu, mon amie doctorante. J'ai à faire également, hier j'ai décelé une anomalie lors du dernier fixing de 17h 35 du CAC 40. Mon MP3 m'a restitué des calculs de moyenne pondérée assez alarmants. Il me faudra tirer ça au clair avant mon départ pour Tokyo. N'oublie pas que tu m'y accompagnes!
- Bien Madame l' Inspectrice des Finances, laisse-moi juste le temps de désensucrer mon cabas!
et bla, bla, bla, et bla...