Défi n°209 proposé par Jeanne Fadosi pour les Croqueurs de Mots.
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Jeanne nous demande d'écrire un texte en prose incluant trois ou quatre expressions avec "œil" ou "yeux".
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Lorsqu'à huit heures un quart Malcomm Ode ouvrit l'œil, il n'en crut pas ses yeux : il venait de rater son autocar, celui de sept heures moins le quart.
Roulant des yeux furibards il sauta dans son falzar.
- J'en ai ras la casquette de ce cossard de réveil qui hoquète au lieu d'activer ses clochettes. Dès ton réveil Bertille-Adèle, bazarde-le à la poubelle.
- Pfmiumm, disserta la belle en se pelotonnant voluptueusement sous la couette en plumettes.
Un petit sanglot la tira de sa recherche d'un secondo dodo.
- Qui pleure ici ? s'enquit Bertille-Adèle. C'est toi, petit réveil ?
- Snif-foui. S'il te plait gentille Bertille, appelle-moi par mon prénom : Tictacomtois. Je ne veux plus être considéré seulement comme un RÉVEIL, celui qui déchire la bulle des rêves et tire en sursaut du sommeil. On ne voit de moi que mon côté face, celui où se trémoussent, guillerettes - pour mieux nous leurrer - les implacables aiguilles, complices du temps qui passe. As-tu, ne serait-ce qu'une seule fois par simple curiosité, jeté un coup d'œil sur mon côté pile ?
- Euh... non, j'avoue. Retourne-toi pour voir. Ouh là... Tictacomtois, tes yeux sont très mélancoliques... aurais-tu des soucis ?
- Depuis hier je n'ai plus le cœur à drelin-dreliner, on a enfermé derrière des barreaux de fer mon ami Roro, le gentil robot d'acier aux grands yeux de bulles.
On l'accuse bien à tort, lui qui vit de l'air du temps, d'avoir dévoré Pimpin, le lapin des Mytho, ses voisins. Depuis ce triste épisode, je me sens bien seul, je n'ai plus que mes yeux pour pleurer.
- Un robot sans bouche dévoreur de lapin ? Mon œil ! La supercherie saute aux yeux. Comment faire pour t'aider ?
- Va trouver Z'yeux de mouche, la caméra noire de la rue des Mouchards, elle capte tout et n'a pas froid aux yeux.
Bertille mit sa mantille - une dame de bonne condition, bien qu'en chemise de nuit, se doit de ne point sortir en cheveux - et courut interroger l'espionne aux yeux noirs.
Celle-ci lui délivra un renseignement primordial - qu'elle lui fit payer les yeux de la tête - il y a deux jours, en pleine canicule, la femme Mytho se baladait incongrument emmitouflée d'un col de lapin.
Bertille-Adèle vit rouge. Elle courut alerter les pandores galonnés et culottés de bleu. Rendus chez les Mytho, ils tirèrent de sa sieste le pot au feu - qui n'avait pas trop les yeux en face des trous -
il reconnut fièrement avoir mijoté un civet dont il était encore, slurp, tout enivré.
On libéra Roro que Bertille adopta.
On condamna les Mytho à épousseter, journellement - et... avec délicatesse, je vous prie - la carapace de Roro le petit robot. Leurs balayettes, en plumes de paon bleu, n'étaient pas anodines : les ocelles de leurs grands yeux étant des indics à la botte de l'impitoyable Z'yeux de mouche. On pouvait compter sur elle pour garder à l'œil les mythomanes Mytho.
Tictacomtois se reprit à tictacer en toute sérénité, prenant soin de retarder chaque jour d'un quart d'heure, afin que le temps file moins vite pour sa bienfaitrice, sa bonne fée, Bertille- Adèle.
Malcomm Ode pardonna à Tictacomtois son omission de carillon.
Il lui jura que, plus jamais, il ne le traiterait ni de cossard, ni de réveil.
Il lui offrit une rééducation de sonnerie auprès des bronzes cristallins d'un bienveillant clocher comtois, très coquet sous son croquignolet croquet jaune - caca d'oie.