Défi n° 155 "Une belle rencontre", proposé par Lénaïg pour Les Croqueurs de mots.

Publié le par François & Marie

"Une belle rencontre" pittoresque, émouvante ou décisive dans l'une des circonstances au choix:

- en promenant son animal de compagnie,

- en attendant ses enfants à la sortie de l'école,

- en patientant dans une file d'attente.

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L'automne flamboie. C'est un mercredi, ils attendent, moi aussi.

Ils sont deux, un couple "ensemble de deux êtres" (pssit ! ils ont des alliances) "unis par les liens du mariage". 

Je suis une, "adjectif numéral cardinal".

Ils patientent sans impatience. Je poireaute, machinalement. 

Ils se parlent, de tout, de rien. Je les entends sans les écouter.

Ils font des projets. Je joue les discrètes, ferme mes écoutilles et réduis leurs voix à la minceur d'un friselis subaquatique.

Ils avancent de quelques pas. D'instinct j'accompagne leur cadence.

Ils tanguent, elle a juste un peu vacillé sur ses semelles compensées, il l'enlace d'un bras protecteur, l'immobilise, soudain grave  - ... Si tu avais chu ?  Elle sourit, elle a confiance - Je savais que tu m'aurais soutenue à temps. Leur démarche saccadée me donne le mal de mer, leurs mignardises m'agaçent un brin, en réaction, vlan vlan, sans élégance je botte dans le vide, pfiou ! ça soulage. 

Ils nombrilisent, persistent à se rassurer mutuellement - Encore un tout petit peu de patience- dit-il -  J'ai hâte, soupire - t- elle abandonnant sa tête sur son épaule. Il dépose dans ses cheveux un baiser papillon qui dérape sur l'obstacle duraille d'un peigne en galalithe qui lui tale les lèvres. En héros, stoïque, il encaisse. 

Je m'efforce de ne pas gloussoter !

Ils repartent, pressent le pas. J'accélére moi aussi (j'ai toujours eu propension à l'imitation).

Ils s'empressent. Je les escorte, docile, comme en hypnose.

C'est "elle" que j'accompagne. Exit "lui". Dès cet instant tout va se jouer entre elle et moi.

Je la presse, le temps presse ! Ça suffit ! Il est temps de nous affranchir mutuellement, de nous libérer l'une de l'autre après neuf mois d'attente et de patience. Je suis prête ! Je ne la lâche plus, je la flanque, tambourine ses flancs.

Elle acquiesce, fait de son mieux, nous convoie jusqu'à sa couche où elle se couche.

Elle bataille, bouillonne, brouillonne, s'escrime, querelle la sage-femme qui tente de l'assister, lui claironne que, non non et non, ce qu'elle supporte n'est pas le mal joli qu'on oublie quand c'est fini, qu'elle serait moins mariole si elle était à sa place, que nous allons y arriver sans elle, elle lui en fiche son billet, nous allons conjuguer toute notre énergie, nous acharner, nous bagarrer, nous...

Je n'écoute  plus ses litanies, bien trop occupée à crapahuter jusqu'aux portes du monde qu'elle m'ouvre enfin après une poignée de quelques six fois trois mille six cents secondes !

- Tant pis! c'est une fille... constate avec un humour teinté d'un peu de regret, mon grand-père paternel.

À cette époque pas d'échographie, une naissance était une loterie.

Certes, un p'tit gars aurait assuré la perennité du nom de famille (trois années plus tard arrivera frère- sauveur -de- patronyme !) 

La nouvelle va se propager au reste du clan par les ondes de la cabine de téléphonie publique-épicerie-café-tabac. Chacun se hâtera de venir constater que j'ai bien emprunté les yeux de l'un, le nez de l'autre, la mimique d'un troisième, bref, que je leur ressemble. J'ai dû faire bonne impression, puisqu'ils m'ont gardée !

J'ai fait une belle rencontre avec mes parents le mercredi 25 octobre !

Le 25 octobre, mais de quelle année ? demandez-vous... Hum ? Hum... voyons...voyons... (rechigne... rechigne...)

Un premier indice: cette année débutait par un 1 suivi d'un 9 ...

Un deuxième indice: c'était l'une de ces années où sévissaient "les restrictions".(J'ai retrouvé  dans la maison familiale la carte nominative n° 29 u, qui rationnait en "vêtements et articles textiles destinés aux enfants en bas âge " ainsi que ma "carte d'alimentation n° 96" et ses tickets restrictifs. J'ai affiché ces deux "aide mémoire" non loin de mon clavier.) 

Troisième indice: cette année en 1, en 9, en 4 (bis), les dames portaient des chaussures à semelles de bois, traçaient mé-ti-cu-leu-sement au crayon sur leurs mollets teintés à la chicorée la couture de faux bas nylon. Elles mettaient un point d'honneur à demeurer coquettes, leurs cheveux mi-longs étaient retenus en mèche-rouleau  par des peignes joliment sculptés (on chuchote que l'un d'eux, l'effronté, a eu le toupet de grafinier le petit bécot de mon futur papa !)

 

 

 

 

Défi n° 155 "Une belle rencontre", proposé par Lénaïg pour Les Croqueurs de mots.

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D
c'est adorable ! au début, j'étais impatiente de voir le troisième personnage ... le bébé oui !! ... merci pour ce très bon moment qui en même temps est historique. Que ne revienne pas la guerre ! bonne journée
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Merci pour votre visite, tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir ! Ce joli bébé en est la preuve vivante .
C
Une rencontre bien importante que celle-là, tout part de là ! Bravo et bon jeudi tout entier ! Amitiés♥
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Merci d'être venue chez nous, bonne semaine à vous, amitié de nous deux.
C
Jusqu'au 25 Octobre avec un 1 et un 9 j'étais un peu perdue ! mais tout est rentré dans l'ordre , Bravo et quel talent
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Merci, Christiane la Banière d'être passée par ici ! Tant mieux que tu n'aies pas deviné dès le début, le petit suspense était voulu et la jolie image de François intentionnellement très bas dans la page. Bonne journée !
L
Ah dès le détail subaquatique, j'ai senti une astuce ! me suis d'abord demandé s'il y avait piscine, puis piscine m'a amenée à eau qui m' a conduit tout droit à amniotique ... restée ne suspension comme cela jusqu'à "botte dans le vide"... et là plus de doute ! <br /> Après trop pliée de rire... <br /> Superbe ! <br /> Merci les Cabardouche et gros bisous
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Ah bravo, vous avez eu une lecture en profondeur du texte de Marie ! bien heureux qu'il vous ait amusée. <br /> Bonne journée à vous Luciole .
M
oh que c'est original et bien amené !! j'ai beaucoup aimé ! et cherché longtemps jusqu'aux dernières lignes !
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Merci d'avoir bien pris tout le temps de la lecture pour assister à la naissance de la pt'iote frimousse !<br /> bonne journée à vous .
A
Magnifique ! Ah mais je conserve ma place de doyen ! mes 3 premiers chiffres sont .. TIN TIN TIN ... 193,.<br /> Les cartes de rationnement ? J'ai connu bien sûr, les petits tickets que l'épicier ou le laitier rayaient à l'aide de leur crayon gras et rouge, remisé derrière l'oreille après usage !<br /> Et le dessin MMMH !
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Bien le bonjour m'sieur Andiamo, notre lecteur "vintage" qui sait apprécier les plaisirs de la vie et qui a bon goût pour le dessin et les bonnes lectures.
M
Très bonne idée. C'est la première rencontre de notre vie, celle sans laquelle toutes les autres n'existeraient pas. Naissance dans les années 40 pendant la guerre ... peut être 1944 pour le 4 bis. Belle journée et à bientôt
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Vous avez raison c'est la plus belle rencontre, celle qui va conditionner tout notre voyage sur Terre, Marie lui rend superbement hommage, son talent doit certainement beaucoup à l'accueil qu'elle a reçu cette année là .
T
Superbe suspens au très joli dénouement et très émouvante rencontre! Très bien écrit, très bien amené (moi qui aime le mystère !!) et illustré (la houppette du Papa de Marie, extra!!) Merci François et Marie pour ce très joli moment, plein de bises !
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Merci mon Titou ! Ta visite nous fait grand plaisir ! Tu l'as constaté, Mary Higgins Clark peut craindre la concurrence (sans épisode "robe de chambre" !) et François a reproduit avec talent la mode capillaire en bandeaux et toupets ! Bisous plein O2 !
A
Superbe entrée dans le monde, comme tu as bien fait de la suivre, il eu été trop dommage qu'elle te perde en route...<br /> ayant luce que tu avais écrit chez lénaïg, je suis allée doucement pour ne pas voir le dessin, mais je te sentais bien naître tout de même...
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C'est bien de se laisser surprendre par la jolie conclusion d'un texte ! belle journée à vous ABC.
L
Oooh, j'en suis encore émerveillée, je ne pouvais rêver plus belle réponse à mon défi, Marie, et grâce à tes mots, le dessin de François prend toute sa saveur. La rencontre de la p'tite Marie avec le grand monde ! Un suspense délicieusement entretenu, je n'ai pas deviné en lisant qui accompagnait ainsi le jeune couple, je trouvais cette entité féminine bien effrontée de lancer ainsi un coup de pied :))) ! Toute mon amitié, toute mon admiration renouvelée à vous deux, merci merci !
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Marie est allée au cœur des choses en évoquant la plus belle rencontre que l'on puisse imaginer. c'est d'ailleurs celle que l'on fête tous les ans le 25 décembre. Marie doit au bel accueil qu'elle a eu ce jour là, plein de talents de générosité, de gourmandise et de création. Merci pour ce joli défi.
L
Bonjour Marie et François ! Aaaah, me voici posée sur votre page, que je vais découvrir en prenant mon temps ... Déjà, je suis descendue voir le dessin de François ! Je remonte en début de page et je reviens ...
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J
Bonjour Marie et François, ah dans les années 40 pas les plus belles n'est-ce pas vu l'état de guerre...mais on s'aimait et on faisait des bébés tout de même... 1944, on va y voir le bout, tout comme toi tu montras ton bout de nez Marie... merci pour cette page émouvante, bises, JB ;-)
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Les années actuelles ne sont pas jolies jolies non plus avec le réchauffement des attentats de la planète. Mais heureusement des belles histoires de naissance nous rappellent que la vie est belle.