Défi n°281 proposé par Renée pour Les Croqueurs de Mots.
Renée nous demande de rédiger un texte humoristique de notre cru qui va nous parler de chocolat.
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Les vapeurs du tas de fumier en tremblotent encore, le roi de la basse-cour vient de coqueriquer sa salutation au soleil.
D'une démarche militaire qui raidit ses mollets de coq et fait tressauter ses barbillons, son Altesse parade.
Mi dédaigneux, mi protecteur il toise son harem de picoreuses qui s'appliquent - les hypocrites - à gratter la terre fienteuse d'un air gourmand.
Elles le zyeutent à la dérobée et enragent de le voir comme chaque matin rechercher sa favorite.
Où la trouver ? Il l'ignore. Elle couve quelque part, ça il le sait.
Il la découvre au fond du jardin protégée par les monnaies du pape et le vieux buis.
- Salutations matinales, belle dame. Prisez-vous les rais de Râ ?
- Ils me siéent fort, mon ami, les matinées sont encore fraîches. Puis-je quémander votre vigilance ?
- Je suis tout ouïe chère amie.
- Juste un court chaperonnage des œufs que je mignotte, le temps d'un petit repoudrage de nez.
- Gente Dame ! Je pourrais vous décrocher la lune !
La couveuse en chef quitte son nid, détend ses pattes bleues, ébroue son plumage immaculé de Bressane et- ouh là là, ça presse - file faire pot-pot.
Son Altesse contemple avec tendresse sa préférée qui s'éloigne en tortillant du croupion; le compliment qu'il lui réservait lui reste - glops- en travers du gosier et dégénère - couac- en lamentable gargouillis. Stupeur ! l'Altesse s'écroule paf crête en berne et ergots pointés vers Râ.
Silence. Le monde est sur pause.
Hier par ici c'était la récréation, l'effervescence, la joie, les rires.
Six petits paniers et une demi-douzaine de marmots et marmottes se dispersaient en pépiant comme une volée de moineaux. La cueillette d'oeufs en chocolat pouvait commencer ! Go !
Juste avant le signal, une voix a tenté sans trop de conviction : on ne se bouscule pas et on laisse les œufs roses aux tout-petits.
Pas encore deux ans, la benjamine aux bouclettes blondes, toute fine et mignonne, entre dans cette catégorie privilégiée.
Bouclette franchit sans encombre la zone des taupinières - les perfides lui inventent de petits culbutos sous chaque pied - et pourtant, elle se maintient en équilibre et suit le mouvement !
Poireaux et bégonias d'abord agacés par cet inhabituel remue-ménage, se soumettent avec indulgence aux cris de joie des bambins.
Les vieux cueilleurs, les quatre ans, exultent en délogeant les œufs blottis sous les feuilles gaufrées des coucous.
Les plus finauds ne pipent mot, pas question d'ameuter la concurrence ! Ils remplissent discrètement leurs paniers en préservant leurs découvertes débusquées dans les jonquilles.
Les fouineurs parviennent même à dénicher les œufs qui jouent à t'aimes le beurre au milieu des boutons d'or !
Bouclette s'est mise à genoux devant le rose-mauve des fleurs de lunaire. D'un mot unique, tata, elle leur module un petit discours en variant l'intonation. Soudain un tataaa enthousiaste salut la découverte de deux beaux œufs emballés de rose et or. Des ses petits doigts, elle épluche doucement chacun d'eux. Pas facile... Avec précaution Bouclette dépose les lambeaux de papier brillant dans son panier et replace les deux œufs chocolatés dénudés sous les tiges de lunaire - nommée également "monnaie du pape" ...
C'est là que Dame poulette les a découverts, nus et frôlant la pneumonie.
N'écoutant que son bon cœur de couveuse et faisant fi de leur mine peu habituelle, elle se mit à tenir au chaud sous sa croupe les œufs chocolatés déshabillés.
Vous connaissez la fin de cette histoire.
Sa majesté le coq choqué de découvrir le postérieur marronnasse de sa favorite faillit passer l'arme à gauche.
La bonne couveuse revenant de pot-pot et ne trouvant plus ses œufs chéris accusa la majesté de les lui avoir volés.
Les échos venus du fond du jardin laissent à craindre un déclin considérable de l'aura royale et une légère brouille entre gente dame - rebaptisée pétasse par sa majesté qui, lui même s'est vu surnommé pôv' vieux ballot irresponsable (traduction édulcorée de connard).
Détachée de ce tintouin, Bouclette dort comme un Ange en serrant dans sa menotte les froissures de papier rose et or.