Défi n°134 (Chat alors !) proposé par Jill Bill pour les Croqueurs de mots.
Mörgsögdböigs* naquit en kit.
Ses planches et ses boulons tout bien empaquetés, allée WXYZ .
Un bricoleur du dimanche, un samedi à la maison l'amena.
À la hâte le dépaqueta. Sans pudeur sous le lustre de l'entrée l'étala.
Le malmena, l'embrouilla la tête en bas, la droite à gauche et vice versa.
Le vissa de guingois, le maudit et, sans ménagements le dévissa.
D'un tournevis irrité le revissa, puis ouf, dans l'angle du salon l'installa.
Morceaudebois* suédois, de kit, en bureau s'émancipa !
Il rutilait, se trouvait beau ! Beau comme un roi.
Un roi statique à l'ambition de tire au flanc, rêvant d'un état stationnaire.
Mieux vaut, me direz-vous, un état stationnaire qu'un état qui s'altère.
Certes. Certes mon cher Albert.
Dans cette même demeure Raminagrobis, prince des chats, tolérait ses maîtres.
Dès tout petit, ce chaton avait prédit, de la maison qui m'abritera je serai le roi.
Roi libre de fureter, de fouiner, d'explorer, de partout m'étaler, me répandre, me vautrer.
Depuis des années il se délectait de cette totale liberté.
Aussi fut-il très agacé du remue-ménage provoqué
par la mise en place de cet étrange bois boulonné
qui ne lui avait même pas été présenté.
L' O'Cédar à moustaches s'empressa de tester le nouvel arrivant,
l'approcha en rampant pré-cau-tio-n-neu-se-ment.
Vibrisses alertées, il renifla l'intrus,
en conclut, il pue !
Vitement s'en éloigna. En observateur se hissa
au faîte de la corniche de l'armoire de tante Miche.
Ce qu'il vit le ravit.
Le plateau de Mörgsögdböigs offrait une piste dégagée,
sans vent arrière ni remous traversier.
Trop tentant ! Son échine féline en frémit.
Audacieux il s'élança bziii sur la plate-forme cirée.
Plaf ! il atterrit sur le tapis, le coccyx endolori. Mortifié.
Il s'entêta. Itéra et réitéra.
Bingbingbing! Il prit trois gadins d'affilée.
En voilà notre fier félin fort vexé.
Morceaudebois en sourdine éclatait de joie,
ahahah ! Vieux greffier, de nous deux qui est le roi ?
Patte pelue ne s'avoua pas vaincu(e).
Il jura que tout élément qui serait déposé sur ce bureau,
par lui en serait SYS-TE-MA-TI-QUE-MENT délogé illico.
Il tint parole aussitôt.
Au prix d'une preuse é-lon-ga-tion,
(gniiii... ce freluquet meubliau a une surprenante hauteur au garrot...)
patapon procèda à une méticuleuse liquidation.
Aucun millimètre ne lui échappa.
Quelle virtuosité !
↨↑↓ Slach-schlic-schloc !
→← Flac-calF !
↨∟↨ Zip-zap-zoup !
Quelle maîtrise ! Quelle dextérité !
Tout dégringola.
La pointe Bic eut beau helper-helper, la feuille de papier se quadriller,
Gripeminaud, en zig-zags organisés, d'un revers vengeur envoya tout valdinguer.
Jour après jour tout y passa,
du bouquet de roses Thé, aux factures entassées,
tout valsa.
Le coupe papier et la lampe articulée furent manu militari, virés.
Quel chantier !
La maisonnée alarmée est loin de soupçonner
ce minet si charmant qui dort en ronronnant.
Pas lui ! Pas ce petit chéri, gouzi gouzi...
On s'interroge, on suppute, on se querelle,
on dégaine de gros mots... paranormal, exorscisme, diableries ...
Mörgbûchedebois reste de bois.
C'est à ce moment là que très dis-tinc-te-ment le greffier rauqua
rhôâ-troll-troll-troool-troooll-rhôâ.
L'assemblée se figea, une oreille lui prêta, mordit à l'hameçon... Et si ce chat avait raison...
Si un être malveillant, laid sans doute, de surcroît, hantait ce mobilier...
Si ce Mörçödeböis était ensorcelé ...
S'il était contagieux ?
S'il était dangereux ?
Léthifère ? Délétère ?
Misère !
Mörçödeböis, sans autre forme de procès, fut bouté hors de la maison,
jeté dans un brasier ardent. Il s'y contorsionna... s'y consuma, s'y cendrifia.
Soulagée la famille applaudit.
RWÂÂÔÔ ! rugit en son for intérieur Mistigris.
Miaouuu... roucoula le minet si joli
contre le sein de sa maîtresse blotti, gouzigouzi !