Défi n°302 proposé par notre Amirale Domi pour Les Croqueurs de Mots.
Notre capitaine Dim Dam Dom nous dit :
Que vous souhaitiez écrire un message fictif, adresser un mot à un proche, ou même exprimer vos pensées à une personnalité politique… tout est permis ! Laissez libre cours à votre imagination et à votre plume.
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Très cher loup vous,
oserai-je vous l'avouer, dès mon âge enfantin vous me plûtes.
J'ai ouï dire que vous vécûtes en homme libre, en "abstrait", affirmaient vos circonvoisins.
Vous fûtes d'agréable commerce dans les salons que vous fréquentâtes; auprès de gens instruits et bien informés votre esprit s'enrichit, vous glanâtes des dires et des faits qui parfois, depuis la cour, s'insinuèrent jusques à vos pavillons. Onques vous ne fûtes indifférent au petit peuple des rues ; vous perfectionnâtes votre savoir en musant au mitan de charlatans harangueurs, de bateleurs et sorciers de tous poils.
À la campagne, on vous trouvât souventes fois dans la piquante bise ou sous des touffeurs accablantes, autour des tables de congrès paysans.
Mêlé à ces assemblées de la rue, de la campagne ou des salons, vous eûtes l'éloquence parcimonieuse, pourtant vous sûtes observer et écouter cette faune éclectique avec un intérêt passionné.
Une fois votre esprit gavé, vous vous retirâtes dans la solitude de vos pénates pour mieux exploiter la précieuse manne de la diversité des êtres côtoyés. "Autant de têtes, autant d'avis", disiez-vous alors.
Vos longs isolements intriguèrent, firent jaser et s'interroger certains chattemiteux auxquels vous alléguâtes : "Je me sens mieux seul qu'avec des sots."
On vous jugea paresseux (pourtant aucun aï n'apparaît dans votre bestiaire), indifférent aux choses pratiques, rêveur et oublieux de vos devoirs ; votre union en fît les frais et vous négligeâtes votre fils. Vous gardâtes rancune tenace aux femmes et aux mariages...
À vos charges familiales, vous préférâtes les balades pédestres au travers des prés et des champs. Elles vous furent maintes fois source d'instruction et d'émerveillement. Je me complais à imaginer votre sourire amusé face aux gerbes de sauterelles et de frêles agrions bleus, par votre train de sénateur soulevées. Je vous eus bien vu déambuler en chemin creux, croquant une rustique pomme damelot de noir tachetée, et soudain vous figer, vous accroupir pour suivre au plus près le cortège funéraire d'une fourmi par ses pairs emportée jusques en Achéron. Par jeu, vous troublâtes l'avancée de cette colonne besogneuse en déposant le trognon de votre pomme à cidre sur leur trajet. Vous constatâtes que de ces industrieux insectes vous ne rompîtes point la respectable concentration, vous leur infligeâtes un hourvari supplémentaire. Vous n'en fûtes point fiérot et en tirâtes leçon.
Quoiqu'on eût dit de vous, pour moi vous restâtes l'homme affable... que je psalmodiai par cœur.
Votre fidèle récitante.
Marie.
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