Ce grand parc peuplé de bêtes, mêlées ça et là, est un pur Éden !
C'est très amusant, des aras bleus, verts, jaunes se perchent sur le crâne des éléphants ! Des autruches aux plumes de cabaret, éventent des gazelles !
C'est très calme également. Dans les branches d'un catalpa, des panthères pas blanches, des guépards et de très grands chats à rayures, en écrasent !
Le club des Z, zèbres et zébus, déjeunent des mêmes herbes de la pampa. Les zèbres aux pelages élégants, bavardent du style des rayures à succès cet été. Les zébus aux barbes mal démêlées, la ferment et pacagent l'herbage plantureux, ne pensant qu'à augmenter leur entrelardé.
Dans les bras de la Déesse Nyx (parente de l'Autre, exclu de ce challenge...) un paresseux n'eut aucun réflexe quand un grand macaque plaça un ananas près de son nez. Déçu, le macaca l'a tendu à une bête tachetée, à la tête très haut perchée - sur seulement sept vertèbres. La quatre pattes à nuque élancée, très bêcheuse, l'a regardé et a bêlé « Eh freluquet, cet ananas appelé “parfum des parfums”, je ne le déguste que flambé au rhum, présenté sur une dague.»
Macaca jeta cet embarrassant présent dans l'étang aux lézards géants - avant que leurs peaux ne se tannent en sac à paluches.
Un peu abattu Macaca s'en alla s'épancher auprès du chef du parc, un général sympa, avec casquette bancale et jambe manquante (chute dans la fange des futurs sacs à bretelles), amateur de flammekueches et de vers blancs de verres de blanc.
Je suggère aux gens d'aller s'aérer dans ce parc, sans dépenser un seul franc !
Au pays de PADI-PADO on a supprimé tous les "i" et tous les "o". ( c'est pour ça que le roi de là-bas s'appelle R ) . Racontez une visite au zoo de PADI-PADO sans jamais utiliser, ni la lettre "i" ni la lettre "o". Vous décrirez ainsi un ou plusieurs animaux.
Poésie du jeudi 20 février . A la manière de Jean Luc Moreau.
Composez une poésie commençant par des "si" et se concluant par un conditionnel enchanteur.
Si la sardine avait des ailes;
Si Gaston s’appelait Gisèle
Si l’on pleurait lorsqu’on rit,
Si le pape habitait Paris,
Si l’on mourait avant de naître,
Si la porte était la fenêtre,
Si l’agneau dévorait le loup,
Si les Normands parlaient zoulou,
Si la mer noire était la mer blanche,
Si le monde était à l’envers,
Je marcherais les pieds en l’air,
Le jour je garderais la chambre,
J’irais à la plage en décembre,
Deux et un ne feraient plus trois…
Quel ennui ce monde à l’endroit !
Jean-Luc Moreau
Poésie du jeudi 27 février
A la manière de Sophie Barbaroux. Composez une poésie en utilisant des proverbes et des expressions connues.
Changement d'horizon, j'emmène tous les matelots, en espérant qu'ils n'ont pas le vertige, faire un petit tour en montagne. Durant notre randonnée nous sommes attirés par un message envoyé du sommet du plateau. Vous devez, tout simplement, décrypter ce message et nous dire qui peut bien nous l'envoyer ?
Tous les Croqueurs sont là.
Ils ont plus ou moins dévalisé les boutiques spécialisées en articles de sports montagnons-randonneurs.
Le nez en l'air, ils évaluent la hauteur de la falaise vertigineuse qui leur barre l'horizon - cinq cent vingt trois mètres pour les modestes, pas loin de deux mille mètres pour ceux qui se disent spécialistes.
Cheffe ABC, organisatrice attentive, a rassuré et encouragé ses troupes - non, ça n'est pas une compétition, non, personne ne sera distancé et lâchement abandonné, oui, les binômes choisis par chacun, s'entraideront.
Elle donne le signal du départ.
- Et c'est partiii ! En avant !
- Cheffe ABC !
- Mouuuais...?
- Euh... Le sommet...?
- C'est en haut.
- Cheffe ABC
- (re-) Mouais ?
- Euh... C'est ... loin?
- Tais-toi et grimpe !
D'un pas de gazelle, chric...chrac... chric... chrac... Cheffe ABC arpente le sentier avec énergie
Pour donner la cadence, quelqu'un lança : ♪ DANS LA TROUPE ... ♫
Avec enthousiasme tous reprirent : ♫ Y' A PAS D' JAMBE DE BOIS... ♫
L'écho s'en mêla, les marmottes et les chamois en restèrent babas !
Après avoir marié les nouilles et les jambes de bois, en boucle et re-boucle, les Croqueurs en étaient arrivés à vue de nez, à un "certain" dénivelé. Leur essoufflement modifia cadence et vocables de la canzonetta :
♫ DaNS la SOUpe J' veux PaS DE P'TiTS poiS... ♪
Il y eut des marmonnages.
- ... D' puis des heures, à vue de nez, on n' fait que grimper ... C'est galère !
- ... Nos mollets sont flapis...
- ... Notre dos en compote...
- ... Nos cheveux? Ils frisotent et c'est moche... (quelques chauves, vengés, ricanèrent.)
- ... Notre nez tout pelé...
Il y eut des rognonnages.
- ... Mon oreille gauche est bouchée... Et la droite aussi.
- ... Et nos yeux... ils picotent...
- À la télé, y' z' avaient bien recommandé la deuxième paire de lunettes à un euro...
- J'ai pas un euro à perdre, moi, môsieu'...
- ... Nos orteils sont tout rabougris
- ... Et même pas un p'tit coin, pipi...
- Eh l'aut' ! N'y a pas d' coins, ni grand ni p' tit, y' a que d' la caillasse...
- ... D' la caillasse qui monte et qui poussière, attention, y va y avoir de l'éternuation, j'ai pas pris mes gouttes.
- Ah ! y' m' semblait bien qu'il tombait des gouttes !
- C'est pas des gouttes, c'est du pipi d'oiseau.
- C'est des gouttes quand même.
- Ces gouttes de volatiles des montagnes sont peut-être caustiques... (avança quelqu'un)
- Faut toujours se protéger d'un bob... De plus, un bob, c'est TELLEMENT BEAU... et je porte TRÈS BIEN le bob, m'a-t-on dit... (minauda quelqu'une.)
- ... Surtout çui tout roumoumou, avec la réclame du tour de France. Paraîtrait que son jaune canari attire les renards (ajouta un plaisantin qui avait conservé un minima d'énergie.)
Les derniers de la file, en dénivelé inévaluable à vue de nez, émettaient encore quelques ♪ ♫ fausses et poussives.
- ... Fait chaud... J'aurais pas dû mettre un Thermohabille..
- Moi, j'aurais bien dû en mettre un, Thermohabille... Fait plutôt fraîchôt à l'ombre.
- À l'ombre de quoi ? Y' a qu' des cailloux !
- Bin à l'ombre... d'un... d'un... d'un gros caillou, na !
Et bla et gna et bla gna gna, jérémiait la troupe des Croqueurs.
- Chrac... Chric faisaient les brodequins de Cheffe ABC.
- Cheffe ABC ! SOS !
- SOS Cheffe, "ça" ruisselle...
- Chric... Chrac... de son pas de Sherpa, Cheffe ABC progressait (en riant sous cape visière de casquette.)
- Alors nous, les benêts bien disciplinés, avons pris, d'une main nos deux bâtons et de l'autre un CORNET DE GLACE, DOUBLE. Le mien est vanille-fraise...
- Et le mien citron-chocolat, comme l'exigeait MÔSIEU' LE YÉTI.
- OUH OUH ! Qui vous a parlé de Môsieu' Yéti ? riait Cheffe ABC perchée sur un rocher.
- Ben... le message...
- Regardez-le "votre" Yéti, là, à cent pas sur votre droite, que voyez-vous ?
- REFUGE "LE YÉTI".
- Mais alors, le péage, en cornets ?
- C'était une petite blagounette, pour vous intriguer ! J'avais bien sûr prévu de vous proposer une pause dégustation, mais vous marchiez d'un si bon pas, entraînés par votre ritournelle, que je n'ai pas voulu casser votre rythme ! Et, si j'avais vendu la mèche trop tôt, vous auriez été déçus !
Pendant le discours de Cheffe ABC, l'écho répercuta, jusque dans la vallée, les slurp (pourtant discrets et distingués) des Croqueurs, dégustant avec grand plaisir leur péage parfumé.
Les chamois regrettèrent d'être herbivores lorsque l'écho leur parla d'un goûter partagé par les Croqueurs, ravis, chez LE YÉTI.
Le quotidien.
À partir de cette citation :
« Le train quotidien va bientôt dérailler,
qui veut rester dedans n’a qu’à bien s’accrocher. »Robert de Houx
En vous inspirant de ces mots,
sans nécessairement les employer,
écrivez un petit quelque chose
comme vous l’entendez,
dans la forme littéraire qui vous plaît.
Qu''est ce donc qu'un "train quotidien" ?
Une ribambelle de trains, qui vont leur petit train-train.
Qui donc est vraiment certain qu'il va dérailler, ce train ?
" Bientôt "... serait-ce demain, incessamment, ou en juin,
ou bien à la Saint Glinglin ?
"Qui ne s'accroche pas, va en être éjecté."
À qui, à quoi, s'accrocher ? S'accrocher sans s'agripper,
s'obstiner sans quereller. Décrocher sans reculer,
renoncer sans renier.
Que deviennent les éjectés ?
Ils vont reconstituer, avec d'autres rejetés,
de nouveaux petits train-trains pour former un nouveau train.
Depuis le début des ans a roulé le train du temps;
Chacun s'installa face à un énorme sac de courrier.
Une heure plus tard, Santa vint faire une petite virée, les bras chargés de gourmandises : des carottes pour les cervidés-ongulés et des restes de saumon pour les "qualifiés ès". Il s'aperçut que ces derniers, très concentrés, avaient dressé trois hautes piles en fonction de la couleur du papier à lettres : une tour blanche, une rouge et une rose.
Intrigué, il s'en fut urgemment exposer l'affaire à Santa Mama, ils ne seraient pas trop de deux pour résoudre cette énigme tricolore.
L'auteure, Marie Tournelle, nous entraine dans un mélimélo de souvenirs malicieusement panachés de mystères haletants et de nostalgie attendrissante. Un voyage où le temps couledoucementmais où le cœur bat vivement la chamade, en passant du rire à la surprise.
"Bibi bleu" est le livre de souvenirs mi fugue mi raison qui se lit avec gourmandise et qui nous lie à la béatitude.
F.
****
"Une autrice est née." ( Elle Lui EuxNous)
"Le bibi bleu" la suite attendue de la Sissi Clette bleue. (l'Équipe à vélo )
"Bibi bleu et voilette à pois", une ode à la culture en milieu périurbain ! ( Maison Jardins & Barbecues)
"Bibi" le prochain Fémina . ( La semaine de Sijours)
"Bibi bleu et voilette à pois" redéfinit la notion de littérature. (Télégramma)
"J'ai bien rigolé ". ( François de Cabardouche)
Le présent ouvrage a été traduit en trente quatre langues, y compris le Taa (claquements de langue du Botswana) et le Silbo (langue sifflée des Îles Canaries.)
Hollywood planche actuellement sur une adaptation dont le titre provisoire est "Voilette No Ziaire."
* * * *
EXTRAITS : ... / « Jamais de la vie, ah non, pas d' ça Ninette... jamais de la vie... » murmura Abigaëlle en bloquant avec nervosité son gant de filoselle entre les feuillets du missel - elle avait bataillé pour dénicher l'Introït de ce dimanche de Septuagésime, elle n'allait pas en égarer la page - même si elle devait quitter l'office au plus vite, suite à ce nouvel avatar. Elle remonta la travée aussi dignement que lui permettaient ses jambes en flanelle, sa jupe en soie moulante et son esprit cotonneux. Sans le voir, elle effleura Lucien qui poussa son voisin du coude « Eh vieux... vieux ! Les... les... pois d' sa voilette m'ont frisé l' nez et, devine, vieux : j'avais raison, vieux, j'avais raison ! » Un sourire mystérieux plissa longtemps ses yeux gris.../
... / Les deux gamins sautent de joie, ils vont partir pour quelques jours chez leurs grands oncle et tante où les attendent cannes à pêche et bocal à asticots. Ils vont s'en payer du bon temps au bord de la rivière, sous la houlette de l'Armand, le grand-tonton, brave comme du bon pain ! Et grand' tatan Suzanne les régalera de vrai chocolat, fondu dans du vrai lait et de biscottes beurrées. Ah ! les biscottes craquantes du vieux boulanger, le Tintin, et ce beurre-maison, quelles délectations ! Sauf que cette année, coup de théâtre: grand' tatan va caler entre leurs bols, à même la toile cirée, une pile rigide et austère de tartines sèches et noyer le beurre dans le brun rougeâtre du cacao brûlant... Quelle mouche a piqué grand' tatan ?... /
“ Halloween c'est fini, un dragon est resté. Je vous demande de décrire un bestiaire fantastique, quelques lignes ayant pour sujet un être, un animal (sirène, ondin, dragon...) sorti de votre imagination.”
D'une démarche saccadée, Néron le pigeon à l'œil rond griffe le bitume de la vieille rue, SA vieille rue.
Depuis des années il s'en est approprié l'horizontalité; il connaît chaque fissure de l'asphalte et y déniche parfois quelques gourmandises à pigeons; il sait qu'il doit vitement contourner la troisième crevasse, elle empeste le pipi de chat, il snobe le recoin à chardons où s'entassent les mégots âcres, recours des jours de disette. Néron évite aussi le coin herbu aux effluves de crottes de chiens et se hâte jusqu'au pied du tilleul où une petite vieille dame dépose, pour les matous errants, du gras de jambon et du pain trempé dans du lait.
Dans cette rue, la vie de Néron le pigeon tourne rond.
Pourtant, aujourd'hui, il est anxieux, plein de tics, mal à l'aise, nerveux. À y regarder de plus près, Néron le pigeon ne tourne pas vraiment rond.
Il subodore que dans SA rue quelque chose a changé : un intrus vertical y projette une ombre horizontale, une ombre étrangère, une ombre étrange. Il a beau dévisser sa petite tête ronde vers le ciel, Néron ne distingue pas l'élément importun.
Dommage qu'il n'ait pas ses lunettes, il les a prêtées à son ami hibou - qui tente une reconversion en rapace diurne - après les avoir teintées à la betterave rouge, ce qui est censé adoucir la transition et donner à son copain une sensation de vie en rose.
Mais, me direz-vous, un pigeon n'est-il pas un oiseau, un être ailé ? Ne peut-il voler jusqu'au gêneur ?
Je vous répondrai : certes et certes.
Ce que Néron n'ose avouer, c'est que dans l'instant, il est incapable de décoller. Il a péché par gourmandise en engloutissant toute la détrempe et le jambon rance de la mère aux chats. Beurp... il est urgent d'attendre que son gésier s'allège.
Penaud, beurp, il file à petits pas d'automate se réfugier sous un banc et il sieste.
Vingt minutes plus tard, revigoré, il frémit des rémiges, s'envole jusqu'à la suspecte ombre noire. Prudemment il la contourne et la recontourne. Il décrète haut et fort que, pfou, ce truc cornu est vraiment bizarre, vraiment moche, vraiment mal fichu et, fi ! indigne de projeter son ombre hideuse dans SA rue.
Avec précaution, Néron apponte sur la vaste plate-forme des pattes griffues du monstre - qu'il juge hideuses, de très mauvais goût et mal manucurées. En guise de salutations, il largue pouit pouit pouit quelques fientes mollettes.
Venue d'en haut, s'élève une protestation assourdie qui se termine comme dans un sanglot.
Brrr ! La créature serait-elle vivante ? Tétanisé, Néron se fait tout petit riquiqui et en pouit pouit de trouille.
- Grrr, sale nabot, cesse immédiatement de bouser sur mes pieds ! Bouhhh... je ne sais même pas si cette bestiole m'entend... Mes vociférations de Graoully le terrible dragon ne sont plus que murmures. Quelle déchéance... Hier, je tonitruais et tous s'aplatissaient. D'un souffle de ma gueule terrifiante je transformais les pigeons en rôtis, d'un coup de ma queue hérissée de pointes j'aurais fait de toi de la marmelade de pigeonneau.
- Pouit pouit...
- Las... il y avait trop de concurrence dans la sphère animal fantastique. Pour gagner ma croûte j'ai dû me recycler. Te rends-tu compte de la décadence, je me retrouve en enseigne, en belliqueuse pancarte pour... mercerie... Quelle honte ! Ma carapace d'écailles rugueuses est une doudoune pour berceaux. Quel affront ! Mes épines sont de croquignolets croquets pour robes de fillettes. Quelle indignité ! On m'a même attifé, moi le dragon terrifiant, de ridicules chaussettes vert pomme et tout le monde me trouve vilain, moche, ridicule, mal bâti sniff...
Néron le pigeon, rassuré - cet inoffensif dragon d'opérette ne le détrônera pas, il pourra rester le ROI de SA rue - s'esbigna discrètement. Il fila chez hibou et lui déroba ses lunettes roses ( le bougre dormait, son recyclage avait fait long feu !). Charitablement Néron les déposa sur la corne (en feutrine 11 euros 50 le mètre) de Graoully, effrayant dragon, désormais symbole de dentelles, rubans et boutons de culotte.
" Je vous propose de vendre avec l'image ci-jointe, (clic droit + le lien !)
ce chouette tableau, en héritage, digne d'Halloween !
"Soit à votre richissime patron collectionneur,
Soit sur un vide-grenier,
Soit à une galerie d'art,
Soit dans une célèbre émission télévisée sur A2..."
A inclure dans votre écrit le verbe emberlucoter ! "
Mona Liza/Zombie mashup://Beauty en 2019
- Quoi !... Seulement cinq euros ? s'insurge Victor, je vous trouve bien pingre, monsieur l'expert... Et, en plus, vous exigez que le tableau de mon grand père soit d'abord présenté aux enchérisseurs CÔTÉ VERSO ! Vous craignez - je vous cite - que les quatre potentiels acheteurs, antiquaires en œuvres d'art, ne périssent apoplexiés. Vous ajoutez que ce gâchis ferait mauvais genre dans le monde des décorateurs tout en sabotant l'audience de l'émission, et moi, Victor, je subodore que vous avez la trouille de vous retrouver au chômage. Cinq euros... non mais eh !
Victor bougonne. Victor est en rogne - pardonne-leur pépé, ils ne savent pas ce qu'ils font.
Vaillamment il entre dans l'arène et stoppe à six pas d'un long bureau sur estrade. Là, quatre potentiels acheteurs, Armand, Arthur, Marie-Aglaé et Rosette, en rang d'oignons et en bon ordre alphabétique, ne cachent pas leur hâte gourmande de se bagarrer en surenchères.
Après le questionnement rituel : qui êtes-vous ? d'où venez-vous? on en arrive à " que nous proposez-vous "?
- Un tableau peint par mon grand-père au siècle dernier, se redresse fièrement Victor.
Les quatre oignons roucoulent des "ah" de sympathie.
L'un d'eux exprime son impatience en alexandrin - Vite ! voir le côté recto de votre tableau !
On s'exécute.
Oscillations dans le rang des oignons.
- Ouhlà ! tressaille Armand qui plante méchamment ses lunettes en biais sur son crâne chauve.
- Coa ?... coasse Arthur qui se met à sourciller dans tous les sens (un tic de terreur oublié depuis la sixième; la faute à cette peau de vache de prof de sciences qui pinçait les cuisses des grenouilles vivantes.)
- Han...glagla... Les yeux de Marie- Aglaé sont exorbités, ses mains plaquées sur des dents qui entrechoquent leur re-blanchiment récent.
- ... ...
Chez Rosette ? Rien... Mutisme complet. Elle s'est affalée sur le bureau, les bras en vrac, les orteils ratatinés de frayeur. En douce, un peigne de son chignon en profite pour se suicider, il saute dans le vide.
Victor s'étonne de l'effet produit.
Armand descend ses lorgnons et de l'estrade. Armé d'un viril courage il se plante devant l'œuvre.
- Pourq...? Pourquoi votre grand-père a-t-il...? a-t-il fait ça... ? hésite-t-il la bouche sèche.
- Mon grand-père n'était ni un emberlucoteur, ni un vide-gousset, il était simplement un des premiers orthodontistes et se voulait pédagogue, explique calmement Victor.
Semi-rassuré, l'auditoire reprend vie, les quenottes s'apaisent, les torses se redressent, les grenouilles regrenouillent et le peigne se remet en chignon.
Victor poursuit.
- Vous savez que les enfants adorent se faire peur. Curieusement, le tableau amusait et apaisait la jeune patientèle de grand-père. Il leur démontrait que le sourire de la Joconde aurait été moins pincé si elle avait connu l'orthodontie; les petits riaient de bon cœur et leur légitime appréhension s'estompait !
- Mais... le nez... le front... troués ? s'inquiète Armand.
- Mes cousins et moi nous sommes beaucoup exercés aux fléchettes sur cette pauvre Mona Lisa !
- Et... les orbites ? ose Marie-Aglaé.
- Mon grand père prétendait que les yeux de la Joconde manquaient d'éclat. Il laissa vacantes leurs orbites; par jeu, le premier petit patient de la journée avait le privilège de se précipiter pour y déposer deux belles billes multicolores. Le temps passa, le tableau disparut du cabinet - nous l'avions un peu trop bigorné ! Il restait à pépé une réserve de billes, petit à petit il les distribua aux enfants qui supportaient bravement les entraves métalliques qu'il leur imposait.
- Cinq cents euros ! s'écrie Rosette avec fougue. Elle déboule de l'estrade et, dévotement, honore la Lisa d'une agate bleue et d'une agate verte. Victor ! Je vénérais votre grand- père, j'ai conservé toutes ses agates avec reconnaissance. Louée soit l'orthodontie, s'exclama-t-elle dans un sourire parfaitement parfait !