Défi n°183 proposé par Abécé du Jardin des Mots pour Les Croqueurs de Mots
.
...........................................................................................................................
" Vous êtes une des personnes représentées sur le dessin. Il y a houle et vent de travers. Donnez vos impressions."
............................................................................................................................
Bonjour tertous !
Prêts ?
Faites chauffer compas et sextants.
Parés pour trouver ma position ?
Premier indice : je ne suis ni à bâbord ni à tribord, ni tout à fait en " noroît ", ni en " nordet " (nord-est). Visez plutôt en norcentroît. Vous suivez ?
Deuxième indice : je suis le seul marin à ne pas être marin (mais comme ça ne se voit pas, ça ne va pas vous aider...)
Troisième indice : je ne suis ni au plus bas, niveau baleine bleue, ni entassé dans le canots des moussaillons joyeux drilles, ni protecteur de la benoîte sirène en monokini.
Levez le nez. Non, pas aussi haut ! Vous me vexez si vous me prenez pour ce père dodu qui s'empiffre de bananes; il a l'air malin avec ses bottillons à hauts talons, sa boucle d'oreille et son foulard-girouette.
Je ne fais pas partie non plus, le ciel m'en préserve, de ces va-t'en -guerre sis à bâbord, hérissés de lames tranchantes et acérées, et pourtant je n'en suis pas loin, juste au-dessus. J'ai d'ailleurs à l'œil le gourdiflot au long tarin et cotte de maille qui s'endort deux pieds sous moi, il eut suffit qu'il s'assoupisse pour que sa serpette tailladât mon " cordiau " ( méli-mélo de subjonctif et de ch'ti).
Ça y est, vous m'avez trouvé sous le bonnet schtroumpf bleu ? C'est bien moi le préposé à l'étendage de linge.
Chaque lundi, jour de lessive, je m'en vais " bercher ", ma " mand'lette " (corbeille à linge en osier) sur la vergue devant le grand hunier rapiécé. Cette pauvre voile avait été estropiée par un obus, ça faisait négligé et donnait un courant d'air - je hais les courants d'air - je lui ai surjeté une pièce jaune - les pièces jaunes sont d'actualité - qui lui donne un air printanier.
Je vous l'avoue tout de go, je n'aime pas la houle qui chamboule et m' fiche la " troulle " ; je m'agrippe de mes ortaus à la grosse poutre, en elle j'ai confiance, c'est du fiable, du costaud, de l'épicéa du jura !
Je vénère le vent de travers, il est fin bin pour sècher et repasser la lessive de mon p'tit gars.
Mon p'tit gars c'est le Cornillou. Pourquoi " Cornillou " me direz-vous ? Parce que c'est le " fieu " du Cornil ", min bon camarate " et de Mame Janssen, la Catherine.
À Duinkerk - " église dans les dunes " - je l'ai vu naître mon Cornillou et je suis comme qui dirait SON nounou.
Allons donc ! Cornillou ?... ça ne vous dit rien du tout ? oui, j' sais bin, j' suis l' seu' à lui bailler ce pseudo.
Lui, il se présente toujours sous son vrai nom. D'ailleurs je trouve qu'il le fait de façon plutôt bizarre ed' pis qu'il a vu un certain film de fiction :
- MY NAME IS BART... JEAN BART ! qu'il dit. C'est dev'nu un tic, eune habitute.
Pour moi, le Jean Bart reste mon ptchiot quinquin, j' le quitte pas d'eune s'melle, d'où ma devise :
" Là où est mon Cornillou, j'y serai itou, un point c'est tout !"
Et pourtant, j'aime pas bien les " batieaux ", j'aurais bin préféré continuer à " gardiner " les oyats et les chardons bleus de mon bon Dinkek .
Mais comme le p'tit Cornillou était toujours prêt à prendre sa musette et son "paqu'tache " pour " imbarquer " sur " ieau ", en " batalle "pour son Roy, j'ai toujours suivi. Il a qu'minché a bourlinguer à douze ans, vous l' croyez ça ! Et le v'là chef d'escadre, à la quarantaine !
Et avec ça, jamais ercrin (fatigué), incapable de rester tranquillement dans sa " cambuse ", faut qu'il roule sa bosse sur les océans. Il est galaffe (gourmand) eul' ptiot, alors j'essaie de le retenir en lui faisant des " gauffes ", il s'en baffre et, malgré tout, " imbarque ". Alors j' lâche min accorchu (tablier), min cul de poule, ma farine et ma spatule, j'enfile mes bottes et min bonnet, j' mets la clé dans le pot de géraniums et me v'là fin prêt pour le suivre.
J'ai toujours été là pour faire sa buhée (lessive), pour ébrouer (laver) son linge. J'aime qu'il soit bien propret mon Cornillou.
S'cusez-mi faut que j'fasse min gindarme.
- Hep, là -haut ! les deux campanoules, oui, vous, juste à mon noret, étripez-vous tant que vous voudrez, mais tâchez moyen de ne point esclabotter de votre hémoglobine de rustres le petit linge de min tiot Cornillou. Sinon, y' aura du frictionnage d'écoutilles, pigé ?
R'venons à ma lessife. Oh bin r'gardez voir ! min canaillou de Cornillou m'a encore fait deux chaussettes orphelines ! Ousque min ptiot pouchin a bien pu m'perdre la deuxième chaussette rouge ? et pis la deuxième bleue ? En n'Irlande ? En n'Angleterre ? En n'Hollande ? Allez savoir... J'ai beau l'avoir à l'œil min gros rojin, il aime m' faire des fredaines. Regardez- le donc, là en d'sous d'mi, sur sa balustrade, l'œil collé à sa lorgnette ! N'est-il pas biau et distingué avec son ptiot paletot ruge et son fier capiau, min Cornillou !
Ach, j'vois bin qu'il a encore voulu faire l' gandin; i m'a pas n'enfilé ni son cache-col ni son giliet d' laine... Moi je vous l' dis, un jour, après un vent coulis de " gorche ", min Cornillou me f'ra un trente neuf - huit ou bin même in quarinte... que va dégénérer en pleurésie... cha li pend au nez (paraîtrait que c'est ce qui se prédit dans le livre de l'Histoire...) Mais tout cha, c'est d'la bablute, r'heusemint qu'on prend point tout c' qu'est n'écrit pour paroles de catéchime, il a encor' bin du beau timps d' vant li, min Cornillou !
Il doit être fier que SON DUINKERK reçoive la citation :
" VILLE HÉROÏQUE, SERT D'EXEMPLE À TOUTE LA NATION "
et que les carnavaleux posent genou à terre au pied de sa statue pendant " LA CANTATE À JEAN BART ".
Il ne craignait pas le vent de travers le Jean Bart corsaire - mousquetaire,
ni la houle, min chevalier, min marin, le ptiot Cornillou, l' min !
....................................