Pour le maïs, j'ai oublié de vous dire…
Pou l'trequi, j'ai ubié d'vôs dir'-
Le maïs que nous avons effeuillé ensemble chez le Louis (fin novembre 2010) a sèché pendant plusieurs mois sous l'avant toit en ribambelles d'énormes grappes, les "andouilles".
El a bin sôchi sô l'sevron l'trequi du Louis.
Les plus beaux épis aux grains souples ont été mis de côté puis grillés dans le grand four à pain.
An a guêdjé lê pi-e braves rôs pou lè gaudes.
Vient ensuite l'égrainage. C'est l'affaire des enfants! Il faut voir comme ils se disputent la place à califourchon sur le banc de l'égrainoir.
Fayot vouêr qu'm'en lê ptchiots freguillint quân yêtot v'ni l'temps d'l'égrenou!.
Allez hop! Avec énergie ils tournent la manivelle et s'esclaffent au tintamarre d'orage de grêle des grains qui tombent dans le seau métallique.
Rien n'est perdu, les rafles (épis dénudés) termineront en brosses à habits et en lustreuses pour souliers du dimanche! C'est elles aussi qui vont activer dans l'âtre la cuisson du fricot.
An envouyê-yot ren lê, an guêdjot les borrons pou fêr r'leure lê souyers, n'en'l'ver la pous'rôt' dê preleures, ap'atou pou l'fû du fricot!
On va moudre finement les grains torréfiés pour recueillir une farine jaune à la saveur de noisette, "les gaudes".
Y'ê prou bon c'tê gaudes, ill sentant la neusille!
Mêlée à de l'eau, touillée et touillée en huit (huit fois un , huit...huit fois deux, seize, huit fois quatre vingts...que c'est long!) dans une marmite en fonte noire, cette bouillie va glouglouter des heures sur la plaque de la cuisinière à bois. Plus l'épais brouet est lisse, plus il prouve l'habileté de la maîtresse de maison. Tout juste si on ne répudie pas celle qui oserait laisser des grumeaux!
Ape y faut viri, viri... La patronne a bin du maux pou qui raist' point d' catons ape ill dê avouêr l'u-ye pou qu'ê burlint point su la piatine.
Pendant de longues années, trois fois par jour, les gaudes resteront le seul aliment des gens de la terre les plus pauvres.
Y'avôt çan, ape ren d'autre, ape t'piaunos point...
On surnommait ces coutumiers (bien malgré eux) de la farine dorée, les "ventres jaunes".
Ils ont gardé de cet épisode de vie un souvenir d'écuelles bien peu réjouissantes. Il fallait souffler sur la peau épaisse des gaudes pour ne pas se brûler la langue. (On a conservé l'expression "souffler les gaudes" en parlant de qui s'endort en ronflotant en gonflant les joues!)
Leur seul luxe était de les améliorer d'un peu de lait. Ils ne se le permettaient qu'au moment des vêlages de leurs vaches montbéliardes, le lait étant interdit de vente en fromagerie pendant les périodes de mise bas.
Dè coups, t'avôs in ptchiot d'lê, quand lê vêchs fi-int l'viau, y'ètot du nannan, t'sé!
Ils n'imaginaient pas que de nos jours, sur les meilleures tables, les gaudes reviendraient à la mode...
Y paraîtrôt qu'aujd'eu, chu lê rupins,ê migeant dê gaudes, ape qu'ê en sant gormands! T'y crêts-te çan? J'crês bin qu'à c't'heur' y'en a qu'sant in ptchiot maboules, t'sé t'y!