Marie-Tout-Court chapitre V
Résumé
Charles Edouard, jeune parisien en villégiature chez Marie-Tout-Court, découvre avec émerveillement tous les charmes de la campagne. Sa jeune préceptrice se fait une joie de l'initier au parler authentique des gens de la terre en lui faisant découvrir les charmes de la vie au grand air ...Marie-Tout-Court vient de sauver son ami d'une périlleuse piqûre d'ortie.
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- Vouais, hein !
- Qu'êst c'qu' vôs ménédiaincie (manigancez) don' lês ptchiots? s'informe la mémé qui a eu vent du remue-ménage.
- C'est rien mémé, c'est juste qu' les z'orties ont fait un câlin aux dgenoux (genoux) du Charlie!
- I'ê ran! I fêt circulaïer l'saing, rassure la mémé. (C'est pas grave, ça fait circuler le sang)
- Mémé! Nanny! an cause ês vêches in patouais, illes rèpondant! affirme Marie guillerette.
-Vôs seutes dê ch'naillots! si lês pt'chiots neurins vôs migeant point, vôs êrez lê ! A pe i vaut mi-e çan qu' d'causer à san bounnot! (Vous êtes des espiègles!"si les p'tits cochons vous mangent pas", vous irez loin! Et pis c'est mieux que d' causer à son bonnet!), concède la mémé.
- Tchârles- Edouïâl, dèpouï que j'saïs qu'on ne qu'ïou pas les feuïlles dê grusâlles, maïs les pïtïts bïoules rïouges, ape qu'y a point d'âbre à patates, mouaïs êtïou, j' quïause l' patouais, assure fièrement une Nanny en sabots terreux, transpirant sous le guingois de son chapeau de paille. (depuis que j' sais qu'on ne cueille pas les feuilles des groseilles, mais seulement les petites boules rouges et qu'il n'y a pas d'arbre à patates, moi aussi je comprends le patois.)
- ...Dês âbres à patates...Ille bargeotte (elle gagate) la Nanny! J' te flanquerôt man biâ qu'ille va nôs fêr accrère qu'ille en a voy-u ê Cotchi dês Piantes... (j' te ficherais mon billet - j' te parirais - qu'elle va nous faire croire qu'elle a vu des arbres à patates au Jardin des Plantes) rababouêne (bougonne)Marie tout-court. Allez viens Tcharlie, on va jouer aux billes dans le pré dês couchons.
- Les billes chez les cochons? Diantre ça n'est pas dans ma culture. En revanche, je suis un redoutable adversaire au jeu d'échecs. Une fois par semaine, dans le salon d'hiver, j'inflige à Nanny un "échec et mat" qui l'agace fort, elle en toussote de contrariété... Cocasse, non ?
- Ouh bin l' Charlie, v'là qu'te fês l' bellot, que te d'vins grimacier (voilà qu' tu fais le prétentieux, qu' tu fais le "difficile")! Te v'là tout bourenfle (enflé) d' grands mots...Bin moi j'ai ni échecs, ni salon, mais j' te f'rai dire que j' suis bin aidraite pou fêr' rétaquer lês carrenèes (bien habile pour faire résonner les billes), dans la pôs'rote (poussière) de la souille à couchons (les cochons s'étaient approprié un espace pour se vautrer, la terre y était fine, propre et blonde comme du sable fin, c'était un délice d'y tracer des jeux de billes). J' va t'apprendre à creuser un pot, à quiller et pis à faire un carreau, mais t'as pas intérêt à frouiller (tricher), j' te guette!
Tac, tac, les billes d'argile des compères s'entrechoquent gaillardement alors que le clocher annonce midi et que la mémé claironne,
- Aààà la souupe!
In vouaillant lês boubots, ille en baîlle bieu, l' subiô coupé ! (Elle n'en revient pas, le sifflet coupé, en voyant dans quel état sont les deux gamins!)
- Aga mouais çan ! Vôs seutes dês frais, dès vraïs campvoulants! An crêrôt dês ébouailles. Dépâdjie vôs d'vôs dèpiatrer sôs la pampe d' l'auge dês vêches. Airouche!.(R' gardez-moi ça! Vous voilà jolis, vous voilà propres, des vrais romanichels, on dirait des épouvantails. Filez vous décrasser sous la pompe de l'auge à vaches. Grouillez-vous!)
Sommairement rincés, éclaboussés d'eau fraîche et de rires, les loupiots se faufilent à la table familiale pour la mérande (repas de midi).
Nanny, convertie au tablier de cotonnade et à l'ambiance bucolique lève son verre et réclame,
- Dou pïcrouâte, pëpë, s'ïl tou plaït !
Dans cette ambiance joviale les marmousets bricolent :
Charles- Edouard, appliqué, aligne sur les bords de son assiette un méticuleux démêlage de pâtes à potage. Elles annoncent sans nuances " vive marie et béret bouse".
La malicieuse Marie tricote en tapinois les bretelles de son compère au dossier de sa chaise.
Mais voilà qu'on "sabote" dans la cour.
- Y'a-ti quéquion dans c'ta mâjon ? quéquion qu'êrot b'sin que j'm'aidise, pou lês m'nanges?
(Y' aurait-il quelqu'un dans cette maison qui aurait besoin d'aide pour les vendanges?) lance une voix joviale en guise de présentation.
A la campagne, pas besoin de sonnette. pour prévenir de sa venue, an cheupe an montant la cô) (on s'exclame en entrant dans la cour).
- Oh bin, t' vouais l' Vencent... pou lês m'nanges i'ê point tintât, i'ê auj'd'heu in tchïnze, souligne malicieusement le pépé. Mês d'abôrd qu't'ês ique, n'entre don', vint trinquer d'aveu nôs ape chmèquaïe in bout d' têtre d' l'Aurélie, t'voirâs, i'êst point du "ciré d' vieux gaichon" !
(Oh ben tu vois l' Vincent...pour les vendanges c'est pas pressé, c'est pour dans quinze jours. Mais puisque t' v'là, entre donc trinquer avec nous et goûter à la galette de l'Aurélie, tu verras, c'est pas du gâteau mal cuit d' vieux garçon!)
L'Vincent ôte gauchement le béret qui a bel âge qu'el ètôt vissi su san crâceuse. (éternellement vissé sur son crâne)
E maiyennaise in ptchiot évant d's'aster qu' m'en sû dês (précautionneusement, comme sur des oeufs, aux côtés de cette étrangère, qu'il lui démangeait de voir de plus près.)
De mémoire de galette de feutre, aucune n'a été aussi pétrie et triturée que l'a été ce jour-là le béret du vieux veuf, bin trebi (tout émotionné).
L'assemblée s'interroge: sont-ce les effets du picrate ou ceux du malaxage de béret qui font rosir les Nanny's pommettes et papillonner les inglish's cils?
Les paris au jeu de la séduction sont ouverts. Peu concernés, les juniors filent à l'anglaise pour infliger aux portes de grange une partie de balles jonglées.
Et que ça virevolte, pirouette et roucoule de rires!
- Paumi-pauma- certificat- de bonne étude -pour avoir mis -la main au front- au dos- aux pieds...
On triche juste un peu, on se bouscule; fièvreusement on fourrage dans les herbes pour gagner le titre de meilleur dénicheur de ballon égaré et puis... pfff! on s'affale en écaquelées (éclats de rire), recrus d'amusements, à l'ombre du vieux tilleul.
- Pou-ou-ou-ccce! hoquette Marie, on va faire une p'tite mérienne (courte sieste après le déjeuner). C' ta vêpriâ (c' t' après-midi) on f' ra d' la marelle sautralante (à cloche-pied), et pis aussi, on tressera des p'tites chaises en embirlificotant des joncs. Et pis t'sé, au jeu d' la ficelle, on f'ra l' tambour, l' berceau du chat, l' parachute...hé?... tu dors?... pis on comptera les fourmis avec un boulier, mais... Tcharlie, tu dors pour de vrai?... J' te dirai le secret pour zieuter dans le puits sans te faire croquer par le tire-bigot (croquemitaine franc-comtois.), ape vouler le niau d' la pôlaille-couisse sins t'fér' bocquer...(et puis voler le faux oeuf de la poule qui demande à couver, sans te faire becquer). Eh, Charlie?... Pou' le vêprenon, y'èra dê reutchas d'cramaillotte... (pour le goûter, il y aura des tartines de gelée de pissenlits...)
Chut! sous le tilleul gonflé d'abeilles ils se sont endormis...
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