La vielle treille
Au printemps elle a pleuré de petites traces mouillées sur la pierre de l'entrée,
Et je n'ai pas aimé...
Comme chaque année, j'ai culpabilisé.
Ai-je eu le sécateur trop leste ?
-Tailler de biais chaque sarment à deux yeux, c'est ce que dit le texte,
Pioché dans l'almanach du Père François.
Sans aucun doute digne de foi...
Et la parité ? Respectée ! Je lui laisse deux yeux, j'en ai deux, moi aussi.
La montée de la lune ? Ah, il fallait s'en inquiéter, tu dis...
La vieille treille, elle ne va pas trépasser, dis ?
J'en serais bien marrie...
Chaque matin d' un doigt anxieux, espérant un mieux,
J' effleure ses larmes qui grelottent.
- Mais, ça va s'arrêter? Saperlotte...
Et puis le chagrin cesse et la pierre s'asséche.
Les feuilles se déplient, de minuscules fleurs et puis de grapillons, suivies.
Cet été, de vrilles frisottées en circonvolutions, le feuillage a recouvert toute la maison.
Septembre dévoile les grosses billes vertes des grappes épanouies,
Elles s'offrent aux oiseaux...ils les fuient!
Pauvre vieux noah, tu ne vaux pas un délicat muscat...
Ta peau est trop épaisse et ta pulpe en litchis encombrée de pépins.
Pourtant, ta pugnacité j'honorerai, en goûtant... deux... de tes grains,
Oui, deux, pas plus...Hum, il faut savoir en laisser pour les autres... partager.
Et je ne voudrais pas t'épuiser, de plus de deux cents ans tu es âgé.
Ton cep noir et tordu, mes arrières grands- parents, l'ont déjà bien connu.
Tes larges feuilles vers le ciel tournent leurs paumes palmées,
Bientôt elles vont roussir et, aux premières gelées, tomber.
Puis l' hiver manchonnera tes longs rameaux givrés.
Enfin mars réveillera le sécateur. Il viendra en bienfaiteur,
Couper les ramures inutiles, qui menacent les tuiles.
Il te fera une toilette de printemps. Tu vois il n'est pas bien méchant !
Il y aura quelques larmichettes... de joie .
Ton feuillage s'enhardira presque jusque sur le toit.
Tu sais qu' il est précieux sur les tables d'été,
Il sert de lit douillet au morbier, au chèvre et au comté.
Et tes raisins, dis-tu ? Ben...Assieds-toi, on va en parler...
..............Voilà, voilà, voilà...
Si tu pouvais les éviter et seulement des feuilles donner, chacun t'en saurait gré...
Tope- là ! J'en rêvai! Plus légère je serai.
Et encore plus haut pourrai grimper, peut-être jusqu'à l'antenne télé, j'adore les feuilletons -télé...
..............Voilà, voilà, voilà... Il suffit de savoir parler vieux noha. Voilà !