Défi n° 96 "La rupture", proposé par Lilou Frédotte (Rêve d'écriture) pour Les croqueurs de mots.
"La rupture".
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Comme cul et chemise
nous étions mêlés en tricotage serré.
Et nous voilà comme chien et chat,
ayant l'un l'autre maille à partir souvent.
Nous avions fusionné,
il me soutenait ferme du temps
où je filais un mauvais coton.
Notre maillure, nous la rêvions éternelle,
mais notre relation a changé de ton.
Jugez-en.
Dorénavant si d'aventure
de la chaleur je viens à lui prodiguer,
le voilà tout rétracté, au bord de la fracture.
Si de mes bouclettes je le frôle
il se distend lâchement le drôle...
et ce matin, clac! il a craqué.
La rupture.
Totale et sans appel.
Et me voilà bien pauvre chose...
Pauvre chausse ridiculement tirebouchonnée,
accordéonnée sur un mollet velu,
trahie par ce fils de ce fil de latex,
larguée par Tic, un grossier caoutchouc
claqué tout mou, qui était mon étai.
Hélas! Tic m'a lâchée...
Il vient de me laisser tomber, flasque
comme vieille chaussette,
aussi maudite qu'une laide tarasque...
Moi, la mi-bas si fière d'avoir gravité
jusques à un humain poplité,
me retrouve bas jetée,
humiliée,
au rang de bonasse socquette régressée
par un hypocrite élastique
désélastiqué.
Je ne décolère pas.
Le moral dans les chaussettes
je sanglote, ruisselante chaussette,
qui ne sera plus jamais, ni sèche chaussette,
ni archi-sèche chaussette
aux pieds d'une archi-duchesse en chaussettes...
Fâchée à tout jamais avec ce loustic
de Tic l'élastique,
je vais me reconvertir en joli bas-jarretière
et me consacrer toute entière
à une Duchesse altière,
sans tics.
Et toc!