Défi n° 88 "Au grenier" proposé par "Un soir bleu" pour Les Croqueurs de mots.
"AU GRENIER".
Racontez votre grenier, celui de chez vous ou le grenier imaginaire dont vous rêvez.
.............................................................................................................................................
Explorer un grenier, quelle affaire! Vite, on y court, pris d'une fébrile curiosité.
Soudain une obscure vénération temporise notre allure. Halte là! on n'y entre pas comme dans un moulin.
Visiter un grenier est une faveur qui se mérite. Prière de la pratiquer selon une chorégraphie dont il convient de respecter les figures.
D'abord, gravir en souple déhanché les échelons trop raides et bien trop espacés d'une échelle de bois.
S'y agripper comme à son partenaire de farandole et feindre de ne pas avoir senti que votre cavalier vous écrase les orteils l'écharde qui vous laboure le pouce.
Parvenir au dernier barreau, le souffle activé en rythme de salsa par l'effort et le trac.
S' arc-bouter en arabesque pour soulever la trappe de planches bistres qui résiste et qui geint.
Hésiter, juste un instant, avant de franchir d'un saut de chat souple et silencieux, l'entrée de ce lieu méconnu qui sent le vieux papier, les objets oubliés et les petits rats qui y trottent.
Cligner des yeux, pour ainsi mieux capter la gambille désordonnée de la poussière dérangée, dans la lumière falote d'une lucarne encrassée.
Enfin, poser un pied mesuré sur l'une des planches rugueuses. Aventurer le second sur la latte d'à côté, par sécurité toujours celle d'à côté, en vieillards taquins, les antiques planchers fragiles et boiteux, aiment nous voir cheminer en gavotte décalée.
Pirouetter en ondulante "marche lunaire" entre les guenilles gris poudré des toiles d'araignées.
Redonner vie au cheval de bois cironné en folâtrant à ses côtés en cabrioles légères.
Saluer de quelques ronds de jambe une marquise au damassé fané.
Coiffer une sombre mantille et mimer un flamenco muet à l'éventail pourpre.
Faire se dandiner en java la nacre des boutons d'un vieil accordéon aux soufflets essoufflés. Bouche fermée, fredonner.
Swinger sous les baleines en marionnettes disloquées d'un riflard fatigué. Doucettement le refermer. Assez badiné, il doit se reposer.
Prendre discrètement congé en une gracieuse pavane glissée, murmurer merci, je reviendrai! Avec précaution rabattre le trapon.
Se couler, agile somnambule éveillé, jusqu'en bas de l'échelle. Se jucher sur l'échelon le plus bas, l'étourdissant manège de la vie attendra.
En adage lent, s'accorder le temps de rêver aux objets du passé, le sourire béat, les coudes aux genoux, le menton au creux des paumes, dans les étoiles les yeux perdus... turlututu...