La carbure à Jojo
Défi n°292 proposé par la capitaine Domi pour les Croqueurs de Mots.
" Créer un texte en utilisant des mots d'argot."
Jojo le Merlu n'avait pas la conscience tranquille.
Lui d'ordinaire si serein face à certaines déconvenues, souffrait ce matin des affres de la perplexité.
Sans doute avait-il connu la veille, quelque déboires avec ses acolytes dans une sempiternelle mésaventure. Ses affidés lui cherchaient-ils querelles ? Avait-il un poids sur le cœur à soulager ?
Afin d'apaiser celui-ci, et parce que ses origines siciliennes lointaines le lui commandaient, il décida d'aller à confesse dans le premier lieu de culte venu. La modeste église de Sainte Kevina l'Illuminée était sise à quelques pas de là.
- Soyez le bienvenu dans la maison du Seigneur, mon fils, comment puis-je vous aider sur le chemin de la foi ?
- Ben, l'abbé, j'voudrais me... me récurer, me déboutonner, vider mon sac quoi !
- Ah, si je comprends bien, vous souhaitez vous confesser...
- Oui, c'est ça, me bonir au ratichon !
- Je vois, suivez moi, nous allons ensemble prier pour le salut de votre âme.
- Oui enfin j'ai pas trop envie de faire le grand plongeon, juste me laver un coup quoi.
- Je comprends, répétez après moi : « pardonnez moi mon père car j'ai péché »
- Oui , heu , faites excuse, daron, si vous pouviez écraser le coup, car j'ai un peu merdé .
- Hum... bien... heu, je vous écoute.
- Bon voilà, Le boudin à Fernand la Pince m'a joué un sale tour.
- Le boudin ?
- Ben oui, sa guenuche, sa carabosse, sa régulière quoi !
- Son épouse donc.
- Moui, sa momie, eh ben cette guenon s'est barrée avec toute mon artiche, ma fraîche, que j'avais honnêtement gagné aux brèmes.
- Aux … ?
- Au poker. On jouait tranquillement, y'avait que du beau linge : Fernand La Pince, Aziz le Tatoué, Gros Nin nin, et la danseuse du Fernand donc.
À un moment, j'avais une sacrée portée, des figures commac , avec un brelan pareil je pouvais pas passer au travers, Et croyez moi ou pas ! La danseuse du Fernand m'a monté dessus ! Avec un carré de religieuses qu'elle sortait de je sais pas d'où, la maquilleuse, la biseauteuse : j'étais complètement décavé. Alors j'ai demandé à Fernand de me refaire, qu'il me file un peu de caillasse que je lui rendrais au prochain coup, voyez ?
- …
- Eh ben ce faisandier n'a rien voulu savoir, trop content que son boudin ait palpé toute ma carbure. Alors c'est là que j'ai commencé à en faire une terrine: j'ai sorti mon soufflant, un brûle parfums de 8 mm que j'ai dégoté aux puces de St Ouen et j'ai dézingué tout le monde, je leur ai fait passer le goût du pain ! Et croyez moi , y'avait des miettes partout.
- Tout le monde ?
- Ben non, justement ! Pas la morue à Fernand, qui s'est carapatée avec mon oseille ! Elle a profité de la panade générale, pour s'esbigner, se faire la malle, se tirer des flûtes quoi !
- Mais mon fils, c'est très grave ce que vous nous dites ...
-Ah bah grave oui, je veux mon neveu : d'autant plus que cette oseille vous était destinée pour la quête de dimanche, rapport au toit qu'est pas en état. .
- DE QUOI ? Elle est partie où cette morue ? Passez devant, je vous suis, une obole est une obole , et on ne va pas laisser une pécheresse s'enfuir avec !
- Bien dit, cureton, je prends mon brûle parfums au cas où.
Texte et dessin de François ! Signé Marie de Cabardouche.