Défi n° 218 proposé par Durgalola pour Les Croqueurs de Mots
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" Imaginez que vous êtes un arbre et racontez votre histoire en trente lignes."
Consigne : insérer, au début, une citation ou un proverbe, relatif à un arbre.
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" Mars venteux, verger pommeux ."
C'est bref, c'est concis, c'est le bon vieux calendrier franc-comtois qui le dit.
Puisque cette année les vents locaux n'ont pas été très amicaux avec mars, chambardé par la bise, bousculé par le dret-vent et rudoyé par le joran, me voilà prévenu : je serai pommeux !
Quelle nouvelle ! Rien d'inédit puisque je suis un POMMIER et tout pommier qui se respecte se doit d'être un tant soit peu pommeux !
Je suis un fruitier pas prétentieux, un Malus domestica, un pommier commun, domestique, comme ils disent.
Pas de quoi pavoiser.
Certes.
Quoique... visez ma silhouette, Madame Irma saurait y lire quelques traits de ma personnalité.
- Voyons, voyons dirait-elle (logique, Madame Irma est voyante et une voyante ça aime bien dire "voyons".)
Je vois... je vois (une voyante, ça voit !)... mâtin... bel animal ! quatre mètres à la toise : altier, belle variété qui annonce simplement, sans dédain ni arrogance, sa rareté et son existence qui remonte à l'Antiquité.
Je vois... je vois... un tronc droit, signe de persévérance et d'audace - il en faut pour braver les engelures du jura.
Je vois ... je vois... les premiers branchages attachés haut, largement étalés : sens des responsabilités, esprit protecteur (gare ! par ici les biquettes sont goulues.)
Je vois... je vois... un feuillage robuste, bien coloré, sans chichis, juste ovalisé, légèrement dentelé, sans agressivité.
Je vois... je vois... qu'il fait des pieds de nez dans le dos des gars Mamert, Pancrace et puis Servais - les redoutables saints de glace de mai - Pas fou, il attendra fin mai ou même début juin pour fleurir ses branches de bouquets blancs rosés, sans parfum - le pommeux n'élève pas des cocottes !
Je le vois... mi octobre empourpré d'allégresse, présenter à son voisin le vieil épicéa (jadis sapin de Noël paré) ses jolies pommes rouges, petites, jaune lavé, chapardées à Renoir, l'Auguste.
Bref un bel et bon pommier-pommeux, ça f'ra cent balles, conclura l'extralucide Irma.
- Tss tss ! pas si vite Mâm' Irma ! Mes pommes ne sont pas n'importe quelles pommes ! Les miennes sont des " Belles Filles de Salins *". Pas mijaurées pour deux sous, rustiques, résistantes aux bobos. Croquantes et sucrées elles embaument l'amande amère...
Ach ! j'aurais dû m'en douter, vous allez me les marauder le premier jour de leur cueillette, le vingt deux octobre, en Brumaire, pour les compoter, les pâtisser et les grignoter.
Le futur pommeux prend les devants, il vous salue bien et file se blinder en biscotos costauds, de quoi épauler ses " Belles Filles de Salins "!
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* Salins les Bains, commune jurassienne célèbre pour ses sources d'eau salée.