Défi n° 199 ( " liste de courses ") proposé par les Cabardouche pour les Croqueurs de Mots.
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À la manière de Clémentine Mélois, dans son ouvrage " Sinon j'oublie ".
" Vous avez trouvé une liste de courses qui traînait dans un chariot de supermarché, faites parler la personne qui a pu l'écrire..."
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- Mon colocataire a vingt ans. Il étudie. Il veut être trouveur.
Oui, trouveur... Autrefois la modestie vous conseillait de vous présenter en tant que chercheur; il paraîtrait que trouveur est plus positif. Soit ! va pour trouveur.
En échange de son hébergement, je lui confie des tâches harassantes : chaque jour il m'escorte pour une heure de déambulation au parc et ronchonne parce que je marche trop vite. Tous les soirs il enclenche le bouton de l'engin lave-vaisselle, qu'il vide le lendemain. Harassant vous dis-je ! Parfois il fait aussi les courses, ça, ça le barbe. Tant pis pour lui ! Rassurez-vous, ça ne l'épuise pas non plus.
Il me plait de l'embêter, c'est ma manière de l'aimer bien. Un exemple ? Il n'apprécie pas la crème de marrons, eh bien aujourd'hui il va être obligé de faire zigzaguer son caddy à la recherche d'un tout gros pot ! C'est une petite revanche depuis qu' il s'est mis en tête de m'appeler Bôrrris - alors que mon petit nom est Marcelle - sous prrétexte que je rrroule légèrement les rrr.
- Moi, c'est Alexandre.
Ma coloc étant proche de l'octantaine j'éviterai de dire qu'elle est un peu racaille, bien que j'aie quelques raisons de le penser.
Figurez-vous qu'elle s'obstine à transformer mon prénom en " Alexandrra ", parce que, prétend-elle, phonético-culturellement, le "a" prolonge à merveille la tonalité de sa modulation russo-bourguignonne. Je m'y suis résigné puisqu'elle accepte ma souris blanche, Bianca, en sous-locataire. Elle a recommandé à Berrnarrd, son gros matou pelu de ne pas l'avaler toute crue. Le chat a souri... Bernard et Bianca se tolèrent et jouent au chat et à la souris.
Il est logique que je fasse quelques concessions envers Marcelle-Bôris. Elle m'héberge gratos dans son appart' parquèté-ciré, plafonds à caissons, sixième avec vue sur le parc, pendule cartel stylée, baignoire pattes de lion, ascenseur et portier à casquette... écossaise (nul n'est parfait...)
Faire les courses ça me barbe.
La liste de Bôris est d'un classique ! Aucune once d'originalité. En paresseuse qui renouvelle rarement sa carte, elle est très prévisible : chaque mardi c'est poulet rôti et tous les vendredis, piperade. Ça nourrit, c'est même très bon, certes répétitif et pourtant appétissant !
Elle a encore oublié de noter " fraises Tagada." Dès que ces délices sont à sa portée, le Berrnarrd les lichote si prestement qu'on n'y verrait que du feu, si sa bouille de persan blanc virée au rouge ne le dénonçait illico ! Bôris râle devant ce mâchurrage verrmillon, puis s'attendrit devant la binette comique du félin, rit, entame un nouveau paquet de cette chimie écarlate. J'en refile une lichette à Bianca perchée sur mon épaule et on partage le reste entre humains, expatriés en bout du canapé. L'animal à la truffe coquelicot, étalé sur le moelleux coussin central tient le rôle principal du feuilleton " Bôris et Alexandra vivent chez leur chat !"
J'aime bien Marcelle-Bôris, bien qu'elle ait ce genre d'exigence farfelue "crème de marrons (gros)". Comment savoir si les marrons, avant d'être réduits en crème, étaient gros, moyens ou petits ?
J'ai confiance, un jour je saurai.
Oui, un jour je saurai puisque, trouveur, je serai.