Défi n° 173 (statufié sur un banc) proposé par "La cachette à Josette" pour Les Croqueurs de Mots.
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" On vous a servi une boisson qui vous a statufié sur un banc public ! Racontez ce que vous voyez, entendez et même ce qui se passe dans votre tête".
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- Ah monsieur ! Je crains que vous ne fassiez confusion...
- Ah mais voyons monsieur, quoi donc ? Je ne fais que reprendre possession de mon "tuyau de poêle", gorge de pigeon.
- Ah non monsieur, c'est mon "tube" que vous vous apprêtez à chausser. Votre huit reflets patiente, suspendu à ce perroquet.
- Ah monsieur, mais vous avez raison ! nos hauts-de-forme se ressemblent d'une indéniable façon, veuillez excuser ma méprise. Je me présente: Hilaire Germain Edgar De Gas, dit Edgar Degas.
- Enchanté, monsieur. On me nomme Hans Christian Andersen, sans surnom connu, hormis celui de "Pierrot" dont m'affuble un fâcheux, un certain romancier envieux...
Pour clore avec courtoisie cette anecdotique étourderie, Hilaire Edgar, fort civil, m'invita à liquider en sa compagnie le reliquat de la bouteille de "fée verte" qu'il venait d'immortaliser, en un tableau nommé fort à propos "L'absinthe".
Que bus-je? absinthe ou sulfate de cuivre ? Je ne saurais dire...
Toujours est-il qu'après avoir absorbé ce breuvage, je me retrouvai bizarrement figé, statufié, pétrifié, sur un banc public.
Me voici à la merci de la populace, qui questionne.
- Qui c'est ce gonze qui bronze sous ce bronze ?
- Dis-moi beau prince, ce livre fermé et beaucoup, beaucoup trop... bien protégé... que cache-t-il ? du grivois ? du polisson ? Est- ce que sous ton beau galurin tu camouflerais un esprit libertin ?
... Et de me tortiller le nez en signe de complicité.
Je me sens livré aux désœuvrés dont le métier est de flâner. Ils rôdent à mon entour.
Certains tartufes ironisent, aspergent mon chapeau du restant de leur bouteille d'eau.
- Oh mais il a l'air fiévreux ce coco, engoncé dans son frac sous les cocotiers...
Des persifleurs en tongs, bermudas et caméras, d'une main molle me tapotent l'épaule puis s'en vont trainailler à la recherche de nouveaux sujets à gloser.
- Waouh ! respect mon pote ! même pour siester sous les palmiers tu gardes ta tenue de grand argentier ! Cool vieux frère... cool !
Cet hiver, ils se réuniront pour une soirée écran géant-Kodak-vacances- bière et cacahuètes. Un seul d'entre eux me remarquera et questionnera en chuintant (l'effet cacawouètes).
- Hé Lulu, qui ch'est che jules incongru ?
- Bof, chais plus son nom. J'crois bien qu' c'est une huile du coin qu'a fait fortune dans la graisse de palme.
Ceux que je redoute le plus sont les troupeaux de badauds.
Le badaud d'élevage est un redoutable lourdaud, un nigaud, un ostentatoire tapageur qui bruit pour amuser la galerie, qui chatouille, pelote, tripote.
- Eh, les mecs ! ce bourge m'a tout l'air de s'ennuyer. Si on allait lui faire un brin de causette !
Misère ! Une turbulente flopée de mains m'assiège de caresses, tandis que des popotins moelleux et des croupions ossus s'abattent en bruyante bousculade sur mes horizontalités. Hélas, aucun de ces fessiers n'a la délicatesse de celui de ma princesse au petit pois...
- Eh dis, l'ancien ! tu pourrais nous regarder au lieu de tenir ton nez levé vers le ciel, tu crains qu'il te tombe sur la tête ?
Ils ne savent pas ces niais que je guette le qvivit qvivit d'une belle hirondelle. Elle transporte sur son dos Poucette, une jolie fillette pas plus haute qu'un pouce qui a pour lit une coquille de noix et un pétale de rose en guise d'édredon.
Un jour l'hirondelle viendra me confirmer que Poucette a enfin trouvé son Prince.
Le sort qui me fut jeté par la fée verte sera enfin conjuré.
Je m'en retournerai alors en terre de Danemark, y convierai Hilaire Germain Edgar... histoire de tester sur lui les pouvoirs de l'aquavit !
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