Défi n° 141 proposé par Enriqueta pour les Croqueurs de mots. Reprise du défi n° 39 proposé par Olivier de Vaux en septembre 2010.
"Selon le principe que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes, je vous propose de descendre en apnée dans la liste des anciens défis des Croqueurs. "
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Reprise du défi n° 39 proposé par Olivier de Vaux en septembre 2010.
"Vous êtes pris d'une incoercible envie de faire pipi à un moment fort inopportun: racontez mais sans faire usage de mots contenant la lettre "i".
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An de grâce 1, 4+2, 2+4, 7+2. Temps de Carême.
Au cœur de la plus grande métropole de France le monarque Phébus, sa cour et une surabondance de fervents, ont passé la porte de la cathédrale pour entendre le prêche d'un orateur remarquable, le célèbre Bourdaloue, évêque précepteur du Grand Cétacé.
Ses sermons fameux sont démesurément longs. Prunelles closes, bras en valse de chasse-mouches le prêcheur subjugue, gronde, nuance le ton, le modère, le tempère, envoûte, tonne.
Madame De S. l'écoute avec déférence, proche de l'apnée. Quatre heures qu'elle est là pâmée sur son banc.
La dévote est détendue, pourtant son cerveau tente de la mettre en garde: son enveloppe charnelle semble en alarme. C'est nébuleux comme un début de tourment. Elle rejette ce tracas... occupée...pas le temps...
Tout en se concentrant à l'écoute du prêchant, elle sent confusément qu'un chambardement se prépare à hauteur de son organe que l'on ne prend pas pour une lanterne.
Bourdaloue toujours et encore, prône.
Elle, torturée, ne rêve que de se carrer sur un trône.
L'éloquent phraseur cause toujours.
De la palabre elle ne capte plus qu'un brouhaha confus.
L'homme voué à l'apostolat déclame, sermonne.
Elle s'en balance! Se balance, souffre, se déhanche, veut penser à autre chose... absurde, elle ne pense qu'à ÇA, elle est près de lâcher de l'eau... De grâce ! Elle va exploser ! Un trône... par bonté, presto !
Alertée par le comportement onduleux de sa patronne, la servante de Madame accourt, enclave prestement un vase salvateur sous les étoffes chambardées. Ça urge.
Béate, Madame honore le vaste pot de chambre, lâche les vannes, expulse, se soulage, transgressant allègrement les convenances, elle glougloute.
Ses cascades, ses clapotements, ses déferlements masquent les phrases de l'éloquent verbeux.
Penaude et enchantée, sans gêne et soulagée, elle pleut.
Bourdaloue avec constance, harangue toujours.
Peu à peu les cascades se calment, s'é-gout-tent ploc, ploc, ploc.
Rassérénée, Madame sur sa stalle se cale confortablement, prête à renouer avec la faconde du prêcheur.
Solennelle, la servante entoure de ses tentacules le vase où tremblote l'humeur aqueuse encore chaude et remonte crânement la travée.
Sur son passage on murmure, on approuve, on mesure les avantages du pot de chambre ambulant, on l'adopte, on le nomme bourdalou.
Dès lors à chaque messe, les Dames sont accompagnées de leurs servantes, elles-mêmes flanquées de leurs jules bourdalous.
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Anecdote:
Stupeur amusée lorsqu'au détour d'une table d'hôtes le jus du poulet rôt nous fut présenté dans un superbe bourdalou en Sèvres, trouvé aux puces par l'hôtesse de céans !