Défi n° 299 proposé par Marie Chevalier pour Les Croqueurs de Mots.
Marie Chevalier nous dit :
Il y a vingt ans, vous avez connu un(e) ami(e) et vous vous êtes tout de
suite entendus. Vous êtes toujours en accord quand vous parlez des grands
problèmes de société. Il (ou elle) sait tout de vous et réciproquement ; tous
vos petits secrets mais nous ne vous êtes jamais rencontrés « en vrai ».
Comment ressentez-vous ou ressentiriez vous cette situation ?
Dites-le nous!
Une réflexion sur une situation donnée et il faudrait que ces cinq mots y
figurent : plaisir, joie, tendresse, film et gentillesse.
...................................................................................................................
Il y a vingt ans elle entamait une retraite bien méritée.
Elle venait de consacrer quarante ans à enseigner des classes de plus d'une trentaine d' adolescents.
Chaque jour, sauf le jeudi, dès huit heures, elle suractivait son propre tonus pour insuffler de l'énergie à sa petite troupe mal réveillée.
Cette mission qu'elle a affectionnée, et jamais reniée, prenait fin avec ce sentiment ambigu de hâte nostalgique.
Elle allait enfin reposer sa voix et vivre à son rythme.
Et vous, certes avec gentillesse, vous lui proposez de faire amie-amie avec une nouvelle personne qu'elle ne verrait pas ?
À l'époque le contact virtuel ne passait que par le téléphone (fixe, le plus souvent), par l'écriture ou les petites annonces du chasseur français !
Ne vous faites pas un film, il y a vingt ans le pianotage sur clavier n'était pas encore à la mode dans les foyers.
Un conseil, épargnez-lui le téléphone.
Elle a expérimenté la puissance du regard et n'éprouve aucune joie ni aucun plaisir à parler sans vis à vis. Elle a échangé avec tellement de publics, a répondu à tant de regards fixés sur elle, a distillé avec tendresse, rigueur et vigilance leur manne à tous ses oisillons, que la communication semi isolée lui paraît fade et sans vie.
La voie épistolaire ? Vous plaisantez, à oublier illico !
Elle vient à peine de se détacher de ses crayons. Ses amis les crayons, ses complices qui ont préparé des centaines de cours et rougi des milliers de copies... Qu'ils reposent en paix.
Laissez-lui du temps.
Laissez-la se retrouver avec elle-même.
Laissez-la respirer.
Si vous insistez, elle est capable de vous abonner là où vous savez.